Titre : Le regard du Panda

Auteur : Anrluz.

 

Genre : univers réel, très OOC  + yaoi

Sources : les personnages de Gundam Wing + un film-documentaire Sur les traces du Panda... que j’ai très librement adapté et dont j’ai modifié une partie de la fin...

 

 

 

Le regard du Panda

 

                                                                      

 

Prologue

 

   Calme et confiante, l’obscurité recouvre doucement les alentours, colorant le monde avec de sombres recoins. Quelques lueurs orangées indiquent que le soleil a fini sa course et s’éclipse discrètement derrière les lointaines et fières montagnes. Dans le ciel, de très rares étoiles tremblantes apparaissent timidement, mais bien vite un doux brouillard les cache aux regards curieux. Laissant un long sillon derrière lui, le bateau très bientôt arrivera au port. Voyageur venu de loin, sa présence ne semble pourtant pas inhabituelle dans cet étrange pays inconnu dissimulé derrière un voile qu’il voudrait bien lever tout de suite. L’impatience le gagne, mais en même temps il craint cet instant où il se rendra compte qu’il n’y a plus d’espoir. Bien sûr,  il sait qu’elle est morte, que ses cendres ont été recueillies, mais il ne l’a pas encore vu... Alors un coin de son esprit se dit que peut-être... Un espoir... Il ne croit pas aux miracles, pourtant un infime espoir...

   Meiran...

   La douce et tendre Meiran... Celle qu’il préférait entre toutes... Une douceur tendre dans ses yeux où brillait comme un secret désir... Il y avait tant de gentillesse dans sa voix, mais elle était la plus têtue aussi... Contrairement à ses frères et sœurs, Meiran avait toujours eu cette étrange passion pour la nature, les immensités vertes où chaque arbre dissimule un secret... Peut-être parce qu’il n’y en avait pas chez eux... Elle était venue ici pour cela, pour explorer, visiter et comprendre un mystère de cette nature qu’elle aimait tant... Un mystère enfermé dans une sombre forêt de la province de Sseu-Tch’ouan...

   Meiran...

   Il l’aimait beaucoup, même s’il ne lui avait jamais dit... Ses sourires joyeux... Son beau visage lui revient en mémoire comme le bateau s’approche du débarcadère. Perdu dans ses souvenirs, il ne se rend pas compte que la longue traversée va s’achever... Elle avait de si beaux cheveux noirs, aussi noirs que les siens étaient blonds. Il les revoyait encore flottant dans le vent... Les gens d’ailleurs les prenaient rarement pour frère et sœur. Pourtant, ils l’étaient ! Blond et noir, jour et nuit... Ils s’opposaient dans beaucoup de choses, étaient tellement différents et se disputaient très souvent pour presque rien. Meiran ne le comprenait pas... Ou bien était-ce lui qui ne la comprenait pas...

   Meiran...

   Il soupira... Cela ne servirait à rien qu’il regrette leur dernière discussion qui avait fini en dispute... Avant qu’elle ne parte pour la Chine à la recherche d’une chimère... Il ne l’avait pas revue, ni ne devait la revoir vivante...

   Meiran... Petite sœur...

 

 

Partie 1 : ... Et dans ce lointain pays-là...

 

   Shanghaï.

   La fin d’un voyage... Ou le début d’une aventure...

   Dans le port, quelques bateaux modernes côtoient de petites embarcations et de grandes jonques dont les voiles projettent d’étranges ombres sur l’eau. Des pêcheurs rentrent, contents de leur journée. Un monde étrange où se mélangent plusieurs cultures...

   Et... Venu de loin, le bateau dévoile ce qu’il renferme...

   Les passagers mettent pieds à terre. Quelques couples en quête de romantisme, des hommes à la recherche de l’exotisme, des fous, des aventureux, des curieux... Majorité étrangère en voyage dans un pays lointain...

   Parmi eux, d’un pas mal habile, il pose le pied sur l’escalier pour rejoindre l’embarcadère de bois. Hésitant, il se tient à la rambarde pour se rassurer. Il arrive au milieu quand une voix avec un léger accent lui fait relever la tête.

“- Mr Winner... Mr Winner...”

   Un jeune Chinois, à bord d’une petite jonque, s’est levé et fait de grands signes en direction des passagers. Puis il aborde alors que l’homme termine sa descente.

“- Mr Winner ?, lui demande-t-il.

  - Oui.

  - Enchanté. Je suis Wufei... Chang Wufei... Le chef d’expédition de votre sœur...”

   Un silence s’établit pendant lequel les deux hommes s’observent du regard.

   Le Chinois a de sombres et profonds yeux de biche, des cheveux noirs et un regard couleur de nuit. Un curieux chapeau lui donne un air d’aventurier et cache sa petite tresse. Il pourrait avoir vingt-cinq, vingt-six ans et il est vêtu d’un pantalon et d’une tunique blanc-crème.

   Son interlocuteur a tout d’un occidental et rien de l’arabe... D’ailleurs, Meiran non plus n’avait pas le type arabe. Mais il y a vraiment une grande différence entre eux. Meiran était brune, les yeux noirs, petite, mais forte et courageuse. Le nouveau venu est blond, des yeux bleus couleur lagon tropical et il est presque de la même taille que lui. Il porte un pantalon marron et une épaisse veste de la même couleur. Il aurait pu ressembler à un enfant s’il n’avait eu le regard prudent et soupçonneux d’un homme qui a déja beaucoup vécu. Meiran lui avait dit que son frère avait vingt-huit ans, il ne les faisait pas vraiment. Mais lui, faisait-il ses vingt-neuf ans juste fêtés ?

“- Vous ne ressemblez pas à votre sœur, déclare Mr Chang pour briser le silence.

  - Je sais. On nous l’a souvent dit.

  - Bon, allons-y.”

   Ce n’est pas qu’il soit pressé. Mais Mr Winner ne semble pas disposer à discuter, et puis, autant rentrer avant la tombée complète de la nuit.

   Mr Chang conduit donc Mr Winner jusqu’aux pousse-pousses qui les attendent patiemment. Il y en a trois, un pour lui, un pour Mr Winner et un pour ses bagages. Bientôt, ils quittent le port et sillonnent plusieurs rues avant d’arriver à destination.

   Dans les ruelles que la nuit obscurcit, les ombres prennent de l’importance et rendent la ville encore plus étrange. Alors que les pensées de Mr Chang s’attardent sur des détails pratiques, celles de Mr Winner s’envolent encore vers sa sœur récemment disparue. Il se demande comment Meiran a fait pour vivre dans ce pays aux mœurs démodées... Enfin, peut-être pas démodées, mais si différentes des leurs, telle cette curieuse procession qu’ils croisent. Des gens munis de lanternes, en habits traditionnel et psalmodiant une sombre litanie...

 

   Peu après avoir déposé les affaires de Mr Winner dans la chambre qu’il va occuper durant son séjour, Mr Chang mène Mr Winner jusqu’à un petit temple. Devant le bâtiment typique chinois, trois femmes, vêtues de tuniques sombres, prient pour le repos de l’âme envolée.

   Les deux hommes entrent à l’intérieur. Sur l’autel face à l’entrée, à côté d’une bougie, repose l’urne funéraire contenant les cendres de la disparue. Mr Winner s’approche et la touche du bout des doigts. Son esprit embrouillé enregistre la beauté des sculptures de l’urne, mais il ne peut retenir une larme.

   Mr Chang comprend cette peine. Il prend trois bâtons d’encens, les allume et les dépose à l’endroit prévu, près de la bougie. Puis il parle à voix basse.

“- Ses affaires sont toutes là, murmure-t-il en indiquant une valise sur une table basse à l’écart.”

   Mr Winner s’approche de la valise en cuir et l’ouvre. Il y a là quelques vêtements, notamment la jolie robe rouge qu’il aimait tant. Il ferme les yeux, se laissant submerger par le flot de souvenirs qui l’assaillent. Lorsqu’il les rouvre, il voit Mr Chang lui tendre un carnet marron fermé par un ruban usé.

“- Le journal de votre sœur, elle y notait presque tout...”

   Mr Winner prend le carnet et l’ouvre au hasard.

 

   ... J’aime cet endroit. C’est si calme... Jusqu’à présent, nous n’avons pas croisé le moindre animal, et encore moins celui que je rêve de rencontrer. Pourtant, je ne désespère pas. Wufei pense que l’animal attend de voir comment nous agissons pour savoir si nous méritons sa confiance. Par chance, Wufei ne croit pas à ces histoires stupides prétendant que l’animal est sauvage et agressif. Moi non plus, je ne peux croire que cet animal fabuleux soit un danger...

 

   Mr Winner tourne ensuite quelques pages et s’arrête en voyant un magnifique croquis. Meiran avait toujours été douée pour le dessin.

 

   ... Il est là... Magnifique et majestueux, le roi de cette forêt, enfin devant moi ! Il est si énorme... Sa fourrure blanche et noire lui donne un air noble. Il sait que je suis là. Il lève la tête vers moi, me regarde un instant puis retourne à la pousse de bambou qu’il grignotait. Il ne nous agresse pas, se contentant simplement de nous jeter un coup d’œil de temps en temps. Voyant que je ne semble pas l’approcher ou lui vouloir du mal, il m’accepte. Je ne vois pas le temps passer. Wufei, discrètement, me rappelle qu’il faut rentrer au campement avant que la nuit ne soit entièrement tombée. Je rechigne à l’idée de quitter ce magnifique Panda Géant, mais je le fais... Espérant que demain il sera encore là...

 

   Ensuite, suivent plusieurs notes scientifiques et divers schémas. Meiran avait détaillé chaque fait et geste du grand Panda, sa nourriture, ses déplacements, ses habitudes... L’un des croquis représente deux petits pandas et leur mère. Dans la descrition qui suit le dessin, il remarque son prénom...

 

   ... J’ignore où peut se trouver le père des petits. La mère surveille ses enfants sans cesser de manger... Quatre les aurait adorés, je crois. Il leur ressemble tant. Il me semble revoir mon petit frère dans les yeux de ces bébés pandas. Leur regard est tellement expressif, il représente l’insouciance, l’innocence... Et la joie de vivre... Tout ce qu’il y avait dans les beaux yeux si bleus de mon frère... Quand il était enfant...

 

   Mr Winner arrête sa lecture pendant un instant et Mr Chang respecte son silence. Cependant, il ne peut s’empêcher de réagir quand une ombre pénétre dans la pièce où ils se trouvent.

“- Bonsoir à vous... Mr Chang... Et Mr Winner, je suppose.”

   Mr Chang s’interpose entre les deux hommes alors que Mr Winner tourne la tête vers le nouvel arrivant. Il est un peu plus grand que lui, porte des vêtements sombres et sales, un pistolet bien visible à sa ceinture et un chapeau de style colonial. Son regard est froid, distant et glacial, pour autant qu’il peut en juger dans le seul œil qu’il voit, l’autre étant caché derrière une mèche brune.

   L’homme, qui paraît sans âge, se tourne vers l’urne funéraire et attrape trois petits bâtons d’encens qu’il allume avant de les déposer à côté des bâtons de Mr Chang. Puis, rapidement, il se retourne vers les deux hommes et remarque le journal que Mr Winner tient serré contre lui.

“- Regrettable incident... C’est le carnet de votre sœur ?

  - Je...

  - En quoi cela vous regarde-t-il ?

  - Ne vous mêlez point de cela, Mr Chang ! Votre rôle est terminé !

  - Je ferai ce que je veux, Mr Barton.

  - Seriez-vous le fameux Barton que Meiran ne pouvait pas supporter ?, demande Mr Winner.

  - Effectivement, sourit l’homme. Je suis Mr Barton... Trowa Barton... Pour vous servir...”

   L’homme ôte son chapeau pour saluer d’un air distant. Il déclare être désolé de ce qui est arrivé à Meiran, mais son regard dément ses dires. Cependant, Mr Winner ne peut pas deviner si ce Barton est ravi de la disparition de Meiran ou s’il ne s’agit pour lui que d’une banalité. Malgré le vert envoûtant des yeux de cet homme, Mr Winner ne peut retenir un frisson devant la froideur de son regard.

“- Qu’avez-vous l’intention de faire, Mr Winner ? Allez-vous repartir tout de suite ?

  - Je l’ignore...”

 

   ... Cet homme ne me plait pas. Il me fait froid dans le dos... Je n’aime pas sa façon de vouloir tout contrôler et de tirer profit de tout. Je suis sûre qu’il braconne en cachette...

 

   Mr Winner s’est approché pour, à son tour, allumer trois bâtons d’encens près de l’urne funéraire.

“- Êtes-vous chasseur, Mr Barton ?, demande-t-il ensuite en regardant l’homme.

  - C’est exact, sourit Mr Barton. Je suis le meilleur.

  - Tuez-vous les pandas, Mr Barton ?

  - Les pandas sont des bêtes féroces et agressives...

  - Ce n’était pas l’avis de Meiran !

  - Écoutez, Mr Winner, je vais vous donner un excellent conseil. Rentrez chez vous. La Chine n’est pas un endroit pour les gens comme vous.

  - Je ferai ce que je voudrai, Mr Barton, répond Mr Winner.

  - Ce n’était qu’un conseil avisé, Mr Winner...

  - Je n’ai pas besoin de conseil.

  - Alors... Au plaisir de ne pas vous revoir...”

   Sur ces mots, Mr Barton quitte le petit temple. Mr Winner et Mr Chang le suivent sur le seuil. Un homme attend Mr Barton et lui fait un sourire en coin. Il a l’air hautain et fier malgré une lueur amusée dans ses yeux améthystes. Il est vêtu de la même façon que Mr Barton. Il paraît un peu plus jeune que Mr Barton. Du moins, son visage reflète encore un reste d’innocence et de gaieté.

“- Alors Tro-man ?, demande-t-il.”

   La voix est chaleureuse, mais en même temps menaçante. Mr Barton lui jette un regard froid qui n’attire qu’un sourire shinigami sur le visage de son vis-à-vis. Ils savent se comprendre à mi-mot.

“- On rentre ?

  - On rentre, Duo, répond Mr Barton en passant près de l’autre homme.”

   Mr Winner et Mr Chang les regardent s’éloigner. Mr Winner note alors la longue tresse qui bat au creux des reins du compagnon de Mr Barton.

“- Qui sont-il vraiment, Mr Chang ?

  - Barton et Maxwell... Un duo de chasseurs qui n’ont aucun respect pour les animaux... Ni pour le commun des mortels d’ailleurs...

  - S’en prennent-ils aux pandas ?

  - Cela n’est pas prouvé, Mr Winner... Mais c’est possible... Mr Barton n’a jamais ouvertement mis un panda géant au nombre de ses victimes...

  - Il les tuerait sans hésiter ?

  - Oui, je pense... S’il ne peut les capturer, je suis sûr qu’il le ferait... Et Mr Maxwell n’est pas un ange de bonté lui non plus... Ils ne sont fréquentables ni l’un ni l’autre. Ils ont une mauvaise réputation et si l’on peut, il vaut mieux éviter de croiser leur chemin...

  - Vraiment ?

  - Oui, Mr Winner.

  - Appelle-moi Quatre...

  - Mais...

  - Puis-je t’appeler Wufei ?

  - Eh bien, c’est que...

  - Cela t’intéresserait-il de monter une nouvelle expédition, Wufei ?”

 

   ... En dehors de sa belle robe blanche, la tache d’un noir très pur recouvre ses pattes. Ses oreilles sont aussi de cette couleur ainsi que les cercles noirs autour de ses yeux. Cette maman panda est un vrai nounours ! On a envie de la caresser et de la serrer contre soi. Mais je ne m’y risquerai pas. Tout en mangeant, elle surveille chaque geste de ses deux petits. Ceux-ci, très agiles, grimpent sans hésiter le long des arbres et sur les branches mortes. Leurs yeux sont si innocents et plein de douceur...

   ... L’un vient de tomber d’assez haut. J’ai peur pour lui. Mais il se redresse aussitôt et reprend son escalade sur l’arbre d’où il vient de tomber. Il ne paraît pas avoir été blessé... Ils sont si adorables... Quatre les aurait sûrement aussi aimé...

 

   Sur le ponton avant, Quatre Winner referme le carnet de sa sœur et s’appuie sur la balustrade. Il laisse son regard triste vagabonder sur les eaux calmes du Yang-Tseu Kiang...

   Le petit vapeur avance à une allure raisonnable pour un voyage qui ne fait que commencer. Il ne s’agit que d’une simple croisière pour l’instant. Les rives du fleuve sont verdoyantes et...

   Quatre fronce les sourcils. Un sampan[1] vient de les rattraper. Aussitôt, il reconnait deux des hommes assis dans la frêle et légère embarcation. Barton et Mawxell... Ce dernier l’a sûrement aperçu car il lui fait de grands gestes de la main. Son visage reflète un air vraiment moqueur lorsque le sampan dépasse le bateau à vapeur. Quant à Mr Barton, son visage est toujours impénétrable...

   Quatre appelle Wufei à ses côtés et lui désigne les deux hommes qui viennent de les doubler.

“- Il faut aller plus vite !

  - Quatre, nous ne pouvons pas faire la course contre un sampan. Il est plus léger que nous et va normalement plus vite.

  - Mais il faut...

  - Si tu veux les rattraper, nous changerons d’embarcation à Wuhan. Nous en prendrons une plus légère et plus rapide... Mais il nous faudra abandonner quelques caisses...

  - Comment ça ?”

   Les deux hommes se trouvent maintenant sur le pont principal du vapeur où plusieurs caisses sont entassées en prévision de l’expition. Les désignant, Wufei s’explique.

“- Nous aurons besoin de la tente, du matériel de campement, des vivres, de quelques armes et munitions, mais...

  - Mais ?

  - Nous ne pourrons pas emmener tes trois caisses de vêtements, c’est un peu trop... Une seule suffirait peut-être...”

   L’étonnement se peint sur le visage de Quatre. Il va riposter. Cependant il se rend compte que Wufei n’a pas tort. Mais quels vêtements choisir ? Lesquels va-t-il emporter ?

   Quatre s’assoit sur un banc pour réfléchir, tenant toujours entre ses mains le précieux carnet de sa sœur, à l’origine de son périple. Il regarde les passagers du bateau et s’aperçoit qu’il a vraiment l’air d’un étranger parmi eux. D’ailleurs, il n’y avait que des Chinois à bord. Déjà, ses cheveux blonds comme le soleil le dénonce. Mais ses costumes impeccables le désignent encore plus comme un intrus dans cette population qui n’est pas riche.

   Tout en regardant machinalement un enfant jouer aux pieds de sa mère, Quatre ouvre une des caisses de vêtements en se disant qu’il y a sûrement des choses dont il n’aura pas besoin. L’enfant qu’il observe a des habits colorés, faits avec amour, mais vraiment usés... Quatre se décide alors et offre une partie de ses vêtements de qualités aux passagers chinois. Ils en ont plus besoin que lui...

   Un autre enfant met des chaussures de ville trop grandes pour lui et, faisant un tour sur le pont, attire les regards en marchant prudemment et faisant un drôle de bruit. Plusieurs passagers en rient...

 

 

   Trois jours plus tard, ils s’arrivent à Wuhan...

   Quatre et Wufei descendent à terre pour louer une autre embarcation. Une fois les formalités accomplies et comme ils ne peuvent partir que le lendemain, ils flânent un peu dans le port et admirent les grandes et magnifiques jonques.

   Puis, comme le soir tombe, les deux hommes se promenent dans la ville. C’est ainsi qu’au détour d’une ruelle, ils assistent à un spectacle donné dans une petite cour. Sur une estrade placée au centre du patio[2], une petite troupe d’opéra rejoue le légendaire ‘Farewell my concubine’. Une jeune femme, assise sur le bord, joue d’une étrange guitare et accompagne les acteurs.

   Quatre et Wufei, intéressés par le spectacle mariant chants et danses, ne remarquent pas quelqu’un qui les signale du doigt. En effet, installé sur le balcon voisin, Mr Maxwell et Mr Barton assistent eux-aussi au spectacle en compagnie de quelques autres hommes peu recommandables. Duo Maxwell, ayant avisé le Chinois et le blondinet, prévient son ami de leur présence.

   Le regard de Mr Barton se fait vraiment glacial. Il fait un signe et un garde en uniforme militaire s’approche. Mr Barton désigne ses ennemis et murmure quelque chose au garde.

   Sur la petite scène, la femme, vêtue de rose et de blanc ainsi que d’une coiffe imposante et richement ornée, laisse la place à un homme vêtu de bleu. Les plumes sur sa coiffure indiquent qu’il s’agit d’un guerrier, mais son visage peint en blanc le désigne comme traître.

   Alors que l’acteur change de masque, Quatre indique à Wufei l’étrange instrument à quatre cordes et lui demande à voix basse ce que c’est.

“- Un pipa, lui répond Wufei.”

   Cependant, il n’a pas le temps d’expliquer davantage. Deux gardes viennent l’arrêter. Wufei, sachant que cela ne servirait à rien de résister, les suit docilement. Quatre s’apprête à les accompagner quand un rire lui fait lever les yeux. Il croise alors le regard presque amusé de Mr Barton près duquel Mr Maxwell est plié de rire.

   Quatre leur lance un regard froid et se dépêche de rejoindre Wufei et les gardes...

   Mr Barton a alors un très léger sourire que ne manque pas de remarquer son compagnon. Ce dernier ne peut pas se retenir de lui murmurer quelque chose, s’attirant ainsi un regard glacé qui, pourtant, ne semble pas lui faire peur.

 

 

 

  

Partie 2 : ... Qui sait ce que tu trouveras...

 

   Deux jours après...

   Sur les eaux très calmes du Yiang-Tseu Kiang...

   Une petite embarcation vogue tranquillement. Installé devant Quatre Winner, un Chinois la dirige à l’avant. Quant à Chang Wufei, il tient la barre et s’occupe du moteur à l’arrière. Entre Wufei et Quatre, se trouve l’ensemble de leur matériel. Quatre a changé de vêtements et pris une tenue plus adéquate et plus pratique pour l’expédition.

   Soudain, Quatre désigne une autre embarcation devant eux... Celle de Mrs Barton de Maxwell...

“- On les rattrape !, s’exclama joyeusement Quatre. Plus vite Wufei !”

   Le Chinois accélère et leur sampan dépasse celui de Barton et Maxwell, tiré par des hommes marchant dans l’eau et sans lesquels le sampan n’aurait pas bougé d’un millimètre tant les eaux sont tranquilles. Duo Maxwell les voit et peste dans sa langue natale.

   Quatre se lève et crie quelque chose à Mr Barton.

“- Barton ! C’est vous le responsable de l’arrestation de Wufei !

  - Je ne vois pas de quoi vous parlez, Mr Winner, répond sèchement Mr Barton.

  - Mais si ! vous le savez très bien !... Plus vite Wufei... Nous les aurons... Vous savez, Mr Barton, reprend Quatre à l’adresse de Mr Barton. Vous nous auriez attendu et si vous nous l’aviez demandé gentiment, on aurait peut-être pu vous trouver un moteur !”

   Quatre fait ensuite un grand au-revoir aux deux hommes qu’ils viennent de doubler.

   Cependant, Quatre demande encore à Wufei d’accélérer pour éviter que l’autre sampan ne les rattrape. Le moteur s’emballe et explose alors. Il était sûrement fort usé...

   Privé de moteur, Quatre Winner doit regarder passer Mrs Barton et Maxwell. Ce dernier d’ailleurs lui lance des phrases railleuses et le regard de Trowa Barton montre qu’il est fort ravi de la situation.

“- Vous disiez, Mr Winner ?, demande-t-il moqueusement”

   Le sampan de Mrs Barton et Maxwell, tiré par les hommes, les distance rapidement et finit par s’éloigner alors que Wufei a du mal à garder le cap sur le fleuve. Bientôt, le sampan disparait complètement.

“- C’est ma faute ! C’est ma faute !, s’écria Quatre.

  - Ce n’est pas ta faute...

  - Si, Wufei ! Je t’ai dit d’aller plus vite ! Si je n’avais pas voulu faire le malin...

  - C’est peut-être réparable... Quoique je n’y connaisse pas grand chose...”

   L’homme à l’avant pousse un cri attirant ainsi l’attention des deux autres. Une zone de rapides se dévoile à leurs yeux.

“- Tiens-toi bien, Quatre ! Ça va secouer !”

   Quatre obéit et se tient fermement aux rebords du sampan. Les premiers récifs sont habilement esquivés, mais Wufei ne peut tous les éviter. L’embarcation tangue à droite et à gauche.

   Lorsqu’elle frappe violemment un rocher, Wufei bascule dans l’eau qui l’entraîne.

“- Wufei !!, crie Quatre.”

   Le Chinois tente de rester en surface, mais le courant est puissant. Quatre réagit rapidement, se tourne et attrape une corde qu’il lance à son ami. Au deuxième essai, Wufei réussit à agripper l’autre bout de la corde et peut ainsi être ramené à bord de l’embarcation. Quatre attrape son ami et l’aide à remonter sur le sampan sans faire chavirer ce dernier.

   Essoufflé, Wufei reprend son souffle avant de se redresser... Dans les bras de Quatre qui ne l’a pas lâché... Leurs yeux se croisent longuement, l’océan turquoise se perdant dans la sombre nuit obsidienne... Ils oublient tout... L’expédition... Le lieu où ils se trouvent... Les rapides... Tout est noyé dans le regard qu’ils échangent...

   La voix du troisième homme, un Chinois du nom de Mr Lain Lee, les ramène à la réalité. Il crie de joie : les rapides ont pris fin !

   La petite embarcation est alors conduite sur une des rives du fleuve. Le moteur s’avère irréparable dans le bon matériel.

“- Wufei... Pourquoi ne demanderions-nous pas à ces hommes de nous tirer ?”

   En disant cela, Quatre désigne un groupe d’homme occupés à pêcher. Wufei va leur parler, mais n’arrive pas à un bon accord. Les Chinois refusent de tirer l’embarcation au grand désespoir de Quatre.

“- Et si... On pourrait couper par la forêt, propose Wufei.

  - Ça nous rallongera !

  - Non, Quatre. Le fleuve fait un coude par ici...

  - Alors pourquoi pas ?”

   Les Chinois acceptent cette proposition, peut-être grâce à la somme d’argent que leur offre Quatre. Ils chargent donc le matériel dans des hottes de roseaux tressés. Puis, une fois que tout est prêt, le groupe s’engage en file indienne à travers la forêt.

   Malheureusement, au bout de trois heures de marche, ils sont arrêtés par un groupe de soldats. Les hommes de l’expédition déposent leur hotte à terre. Les soldats veulent les fouiller.

“- C’est Barton qui les envoie ?, demande Quatre à voix basse.

  - Non, je ne crois pas, répond Wufei avant d’engager la conversation avec le chef du groupe armé.”

   Après quelques minutes d’échange, Quatre ne peut se retenir de demander des explications, surtout quand certains des soldats commencent à regarder le contenu des hottes.

“- Que se passe-t-il ?

  - Ils nous prennent pour des bandits actuant par ici, répond Wufei.”

   En voyant que Wufei a du mal à convaincre les soldats du contraire, Quatre s’exclame.

“- Dis-leur que nous avons une autorisation pour être ici !

  - Quoi ? Comment ça une autorisation ?, s’exclame Wufei visiblement pas au courant.”

   Quatre sort un bout de papier de son sac et le tend au chef des soldats qui rigole en le rendant à Wufei. Ce dernier jette un œil sur le papier et lit.

“- ... Trente kilos de soja... Dix kilos de... Mais c’est une commande !

  - Oui, sourit Quatre. Une commande officielle !”

   Cependant, le chef des soldats n’accepte toujours pas de les laisser passer sous prétexte que ce serait risqué pour eux. Wufei décide de ruser un peu et après une longue discussion, les soldats les laissent en paix et s’en vont.

“- Comment as-tu fait ?

  - J’ai dit que tu étais le futur beau-frère du général des troupes armées..., explique Wufei en souriant.”

   Mais alors que les soldats sont partis, un autre problème se pose. Les porteurs refusent de continuer par peur des bandits qu’ils pourraient rencontrer. Wufei parvient cependant à les convaincre de les accompagner jusqu’au fleuve où ils construiront un radeau de bambou.

 

   ... Les gens d’ici sont si gentils... Ils ne se préoccupent pas du temps qui passe. Ils vivent au rythme des saisons. Il suffit de les regarder travailler sans relâche. Wufei m’a dit que dès qu’une récolte de riz était ramassée, on en semait une autre. Ils ne s’arrêtent donc jamais !...

 

   De nouveau sur des eaux très calmes du Yiang-Tseu, Quatre et Wufei, toujours accompagnés de Mr Lain, poursuivent leur route sur le petit radeau où s’entassent le matériel et les trois hommes. Mais au bout d’un certain temps, les courants deviennent si tranquilles qu’il est impossible d’avancer davantage. Wufei et Mr Lain font accoster la petite embarcation à proximité d’un ponton de bois indiquant la présence d’un village quelque part.

   Laissant Mr Lain surveiller le radeau, Quatre et Wufei se dirigent vers le village situé en hauteur. Ils traversèrent ainsi des rizières et des pépinières où des femmes sont occupées à réunir les pousses de riz en petites touffes. Quatre écoute distraitrement les explications de Wufei, se concentrant plus sur la beauté du lieu.

   Finalement, au bout d’une heure de marche, ils parviennent au village où une déception les attend. Aucun hommes ne pourra les accompagner. Mrs Barton et Maxwell ont déjà enrôlé tous les villageois valides et vaillants, ne laissant au village que femmes, veillards et enfants.

   Lorsque Wufei lui apprend cela, Quatre sent une immense tristesse l’envahir. N’était-il donc venu ici que pour y subir des éches ?

   Devant le visage si désolé de son ami, Wufei ressent une étrange peine. Cela lui fait du mal de voir Quatre ainsi. Il tente donc de réexpliquer leurs motifs aux femmes. Un jeune adolescent d’à peine quinze ans s’avance vers Quatre.

“- Il dit qu’il veut bien nous accompagner, traduit Wufei.

  - Quel est son nom ?, demande Quatre en souriant.

  - Toa, répond Wufei après avoir posé la question à l’adolescent.

  - C’est gentil Toa, fait Quatre en ébouriffant les cheveux noirs de l’enfant. Mais je crains que ton aide ne soit pas suffissante...”

   Une pointe de tristesse couvre la fin de la phrase et le soupir de Quatre désole Wufei alors il essaye à nouveau de convaincre quelques femmes de les accompagner. Toa se repropose tout de suite... Wufei persévère et explique la raison du voyage de Quatre sur les traces de sa sœur. Quelques femmes acceptent finalement de les accompagner.

“- Mais pourquoi ?, s’étonne Quatre.

  - Parce que tu sembles courageux et parce que ta sœur l’était aussi...

  - Meiran ?

  - Je leur ai parlé d’elle et elles s’en souviennent comme d’une femme de poigne, courageuse et généreuse...”

   L’expédition repart donc. Quatre et Wufei sont maintenant accompagnés de cinq femmes et du jeune Toa. Ils rejoignent Mr Lain sur la berge pour mettre le matériel dans des hottes de roseaux tressés. Puis tous partent dans la montagne...

 

   ... Wufei a eu du mal à convaincre certains hommes de nous suivre, mais il y est parvenu. Moi, de toute façon, avec ou sans eux, j’aurais continué l’expédition. Je veux voir un Panda Géant et je n’ai quand même pas fait tout ce chemin pour rien... Rien ne me fera abandonner cette idée. Je veux les voir et je les verrai !...

 

   Ils traversent  des bois de conifères, des champs de rhododendrons et s’enfoncent davantage dans la contrée inhabitée. En file indienne, ils suivent maintenant un petit sentier escarpé, longeant une petite rivière en contrebas. Quatre jette un regard vers l’eau. Ils se trouvent peut-être dix mètres au-dessus du niveau de la rivière. Il frémit... Une chute serait sûrement fatale.

   Devant lui, Wufei s’arrête et Quatre lui en demande la raison. Wufei désigne un endroit où le sentier est un peu effondré. Il faudra être très prudent pour passer par là. Cependant, Wufei ne se pose pas mille questions. Il attache une corde à un arbre proche et, prudemment, passe de l’autre côté. Pendant sa traversée, le cœur de Quatre se met étrangement à battre plus vite. Pourvu que Wufei ne tombe pas !

   Wufei arrive de l’autre côté et attache l’autre bout de la corde. Une des femmes passe sans problème, puis c’est le tour de Quatre. Il se tient fermement à la corde, mais ne peut s’empêcher de trembler. Il n’a jamais pris autant de risque dans le passé... Le vide est si proche et il y avait si peu de place pour marcher...

“- Ne regarde pas en bas, Quatre !

  - Je...

  - Regarde-moi et avance doucement...”

   Quatre lève les yeux vers Wufei qui l’encourage de ses sourires. Étrangement, ces sourires apaisants l’attirent. Quatre a envie d’aller vers eux... Et il marche un peu comme dans un rêve jusqu’à ce qu’il sente le bras de Wufei sur sa taille. Presque possessivement, le Chinois l’aide à le rejoindre.

   Une autre femme passe, puis Toa... Une troisième femme, Shulyn... Qui ne fait pas très attention... Son pied glisse et elle serait tombée si elle n’avait pas, par réflexe, serré la corde de toutes ses forces. Wufei se précipite pour aider la jeune femme à remonter. L’aide de Quatre lui est utile car le matériel porté par Shulyn est lourd.

   Au bout de cinq minutes de frayeur, Shulyn se retrouve tremblante dans les bras de Quatre qui la serre fortement tellement il a eu peur.

“- Xiè xiè...[3], murmure-t-elle plusieurs fois.”

   Quatre tente de la réconforter alors que Wufei aide les deux autres femmes à traverser. Ce n’est que lorsque Mr Lain les a rejoints que l’expédition s’autorise un peu de repos.

 

   Puis ils reprennent leur marche...

   Alors que le soir tombe sur la vallée, Wufei essaye de trouver un bon endroit pour passer la nuit. Ils arrivent ainsi près d’une étrange grotte où des traces évidentes prouvent la présence d’un campement. Le reste d’un feu éteint... Une petite réserve de bois dans un coin...

   Pris d’un doute, Quatre demande à Wufei.

“- Barton ?

  - Je ne pense pas... Il a plus d’une dizaine de personne avec lui... Il en laisserait au moins une en surveillance...”

   En avançant davantage, Quatre note une sorte de rideau fait de lianes. Par curiosité, il veut les écarter mais au même moment, le canon d’un fusil apparaît devant lui. Quatre fait un pas en arrière alors qu’une voix froide et sévère se fait entendre.

“- Tomatte kudasai ![4]

   Tout le monde se fige sauf Wufei qui s’approche de Quatre et le fait reculer. Par prudence, il se met même devant lui et demande ensuite en chinois qui a parlé. Au-dessus du canon, une main écarte quelques lianes et regarde les membres de l’expedition. Une exclamation se fait entendre à la vue des femmes.

“- K’so !”

   Puis, dans un chinois parfait, l’inconnu questionne vivement Wufei qui lui répond avant d’expliquer à Quatre.

“- Il nous prenait pour des bandits avant de voir les femmes... Et il voulait savoir si on avait une Relena avec nous...

  - Pourquoi ?”

   Wufei demande des explications à l’homme. Celui-ci hésite avant de finalement se décider à sortir de son repère. Quatre observe alors l’homme qui se trouve devant lui. Il ressemble à un ermite, mal vêtu et mal rasé, coiffé rapidement. Mais apparemment, il n’est pas chinois. La preuve : ses cheveux bruns un peu rebelle. Pourtant, il ne semble pas être occidental à cause de ses yeux... Un Japonais ?

   Le regard cobalt de l’ermite passe lentement de Wufei à Quatre et les deux autres hommes, puis sur les jeunes femmes... Il ne sourit pas, mais Wufei semble lire du soulagement dans les yeux plus foncés que ceux de Quatre. Ces yeux-là sont sombres et profonds alors que ceux de Quatre sont clairs et lumineux, si purs. Mais, se demande soudain Wufei, pourquoi a-t-il pensé à Quatre ?   

   L’ermite, soulagé, pose son fusil sur le sol et s’appuie dessus. Malgré son air de vagabond, quelque chose dans son allure le rend presque noble. Il pose quelques questions à Wufei qui lui explique la raison de leur venue. Lorsque Wufei lui désigne Quatre comme le chef de l’expédition, l’ermite hausse un demi-sourcil, prouvant ainsi son étonnement. Puis il le détaille longuement du regard et Wufei fronce les sourcils. De quel droit cet étranger se permet-il cela ?

   L’étranger en question semble se rendre compte de l’effet que produit sa lente observation. En effet, lorsque son regard croise à nouveau celui de Wufei, une lueur presque amusée parait narguer le Chinois.

   Puis les présentations se font...

   L’étrange ermite est bien japonais et se nomme Heero Yuy. Il leur propose de passer la nuit dans sa tanière. Quatre accepte aussitôt malgré les réticences de Wufei. Mais ce dernier ne peut pas réellement s’opposer à cette décision, les femmes ont besoin de repos et un abri pour la nuit n’est pas à négliger.

   Après le repas, Mr Lain se met à raconter des histoires du coin, des légendes dont il a entendu le récit. Les femmes sont attentives à ses dires, Toa admiratif devant les aventures de cet homme et Mr Yuy ne dit rien, écoutant simplement. Wufei traduit à Quatre au fur et à mesure, jusqu’à ce qu’il se rende compte de son inattention. Il lui demande ce qui ne va pas. Quatre ne répond pas et déclare juste qu’il a besoin de prendre l’air. Il sort discrètement. Wufei attend quelques minutes, ne sachant pas quoi faire. Une couverture apparaît devant lui. Il lève la tête vers Mr Yuy qui l’avertit que les nuits sont froides et que le blondinet risque d’avoir froid. Wufei prend la couverture et se lève. Il remercie le Japonais et croit voir un éclat complice dans son regard. Mais peut-être est-ce simplement un effet de son imagination... Ou les reflets des flammes du petit feu...

 

   Là où il est assis, Quatre n’entend plus les voix humaines, seul le silence de la forêt l’entoure. La nuit ne va pas tarder à tomber pourtant des ombres commencent à se montrer. Quatre resserre le journal de Meiran contre son cœur et ne peut s’empêcher de frissonner. Il sursaute et se retourne vivement en entendant quelqu’un approcher.

“- Est-ce que ça va, Quatre ?

  - Oui... Ne t’inquiète pas... J’avais juste besoin de réfléchir.

  - La nuit va tomber, il faut que tu rentres à l’abri...

  - Ce voyage est-il une bonne idée, Wufei ?

  - Comment ça ?”

   Wufei s’assit près de Quatre.

“- J’ai l’impression que ce voyage est une erreur... Shulyn a failli mourir...

  - Mais elle est sauve...

  - Et si nous n’avions pas pu la rattraper ! Elle serait morte !

  - Quatre...

  - ... Morte à cause de moi...”

   La voix de Quatre se fait triste. Il regarde le journal de Meiran.

“- Tout ça à cause d’une chimère !, s’exclame-t-il en jetant le journal au sol.

  - Quatre, déclare doucement Wufei. Le Panda Géant n’est pas une chimère...

  - Je sais... Mais c’était stupide de ma part de faire ce voyage. Je ne suis pas Meiran !

  - Non... Tu es mieux qu’elle..., murmure si bas Wufei que Quatre ne l’entend pas.

  - Quoi ?

  - Nous sommes près de l’ancien campement... Nous y serons sûrement dans deux jours. Tu ne vas pas abandonner maintenant !

  - Et pourquoi ?

  - Aurais-tu fait tout ce chemin pour rien ?

  - Wufei... Cette expédition est une erreur... J’ai pas envie que quelqu’un meurt par ma faute !

  - Personne ne mourra...

  - Si... Même toi, tu as failli mourir dans les rapides !

  - Mais je suis encore là...

  - C’est une erreur...”

   Wufei comprend que Quatre a besoin de réfléchir. Pourtant, il ne veut pas le laisser seul.

“- Tu sais, Quatre... La nuit porte conseil... Demain tu y verras plus clair... Pour l’instant, tu devrais te reposer... Viens...”

   Avec tendresse, Wufei pose doucement la couverture sur les épaules de Quatre et en profite pour le serrer un instant contre lui. Quatre ne paraît pas se rendre compte du geste. Il est perdu dans ses pensées et se laisse ramener au campement.

 

   ... Les nuits sont froides par ici... Et d’étranges bruits se font entendre... Mais je n’ai pas peur. Je ne peux pas avoir peur de cette forêt qui cache le plus beau des trésors...

 

   Au matin, Quatre a prit sa décision. Il arrête l’expédition. Il va faire demi-tour, malgré que le Japonais ait décidé de les suivre, au cas où ils rencontreraient des bandits... Ou pour les beaux yeux de quelqu’un, chuchote Mr Lain à Wufei.

   Quatre fait savoir que l’expédition est annulé et sa surprise est gande de voir Toa et les femmes prendre la direction du campement. Il tente de leur dire qu’ils doivent faire demi-tour. Mais personne ne semble l’écouter. Wufei s’approche de lui.

“- Elles disent qu’elles veulent continuer, Quatre. Elles ne veulent pas rentrer au village pour être la risée des autres villageois. Elles veulent aller jusqu’au bout.

  - Wufei...”

   Shulyn s’approche d’eux et tire Quatre par le bras. Elle lui sourit et lui parle en chinois.

   Wufei traduit ce que dit la jeune femme, mais c’est aussi son sourire qui persuade Quatre de continuer... Le sourire joyeux de Shulyn et les yeux tendres de Wufei... Ce dernier lui tend le journal de Meiran qu’il a ramassé la veille au soir.

   Quatre prend le journal et le serre contre lui. Il échange un long regard avec Wufei avant de déclarer en souriant.

“- C’est d’accord. On continue !

  - Alors rejoignons les autres..., lui répond Wufei.”

   Quatre acquiesce.

   Et le voyage se poursuit...

 

 

Partie 3 : ... En suivant les traces du Panda...

 

   Province de Sseu-Tch’ouan...

   Dans la forêt...

   Quatre découvre le campement de Meiran. Tout semble avoir été laissé à l’abandon, comme s’ils étaient partis en courant. D’après ce que lui avait dit Wufei, Meiran était gravement tombée malade. Il avait fallu aller jusqu’au campement de Barton et Maxwell pour leur demander un cheval qui aurait permis de la ramener plus vite. Wufei avait avoué que Mr Barton rechignait à l’idée de prêter un cheval, mais l’intervention de Mr Maxwell l’avait fait changé d’avis... Malheureusement, il était trop tard quand Meiran arriva au premier village...

   Alors que les femmes déposent leurs hottes, Quatre fait le tour du campement caché dans une petite clairière de bambous. Des tentes abîmées, des ustensiles traînant un peu partout, des morceaux témoignant d’une précédente expédition... Les témoins d’une vie...

   Quatre remarque une petite valise. Il la reconnait. Il l’appelait la valisette scientifique de Meiran... Il l’ouvre... Et ne trouve à l’intérieur qu’une photo de lui et Meiran prise le jour de ses vingt ans. Les souvenirs remontent à la surface et, serrant la photo contre lui, il ne peut empêcher une larme de couler sur sa joue. Puis il la dépose avec l’urne funéraire qu’il a emmené avec lui...

 

   ... Quatre me prendrait pour une folle... Que j’accepte de vivre dans de telles conditions ! Mais si c’est le prix pour les voir, je suis prête à tout ! L’installation se fait rapidement. Wufei dirige les hommes avec habitude et précision. Il ne laisse pas un détail lui échapper. Il veut que tout soit parfait. J’ai confiance en lui et je suis sûre qu’il se serait bien entendu avec Quatre...

 

   La première nuit se passe sans aucun problème. Au matin, une étrange odeur perce le sommeil de Quatre et lorsqu’il sort de sa tente, c’est pour s’apercevoir que tout le monde est déjà levé. Il les salue en chinois et les jeunes femmes apprécient le fait qu’il tente de s’exprimer dans leur langue.

“- NÑhaÚ !

  - Bonjour, lui répond aussitôt Wufei en lui jetant un regard.

  - Bonyour..., répète Toa.”

   L’essai de Toa fait sourire les deux hommes. Wufei tend une tasse de thé à son ami qui s’installe comme les autres, sur des couvertures posées à même le sol.

“- Heero n’est pas là ?

  - Non. Il est parti chercher du bois mort.”

   Wufei a répondu presque sèchement. Il ne comprend pas que Quatre puisse s’intéresser autant à cet homme... C’est vrai que Heero a du charme, qu’il parle l’anglais, mais pourquoi Quatre le tutoie-t-il déjà ?

   Quatre fait mine de ne pas s’apercevoir du ton employé par son ami. Il ne sait pas pourquoi il lui en voudrait, mais ne veut pas non plus lui poser de questions indiscrètes.

   Shulyn lui ressert une tasse de thé alors que le Japonais fait son apparition. Quatre le salue joyeusement, comme il l’avait fait pour les autres. Heero hésite un instant avant de répondre brièvement dans sa langue natale.

“- Ohayo.”

   Puis il retourne dans son mutisme. Quatre se dit que cet homme est étrange. Mais sa présence semble rassurer les jeunes femmes. Il ne tente pas de discuter avec lui et demande à Wufei où sont les pandas.

“- Je vais t’emmener là où Meiran les a vus pour la dernière fois... Mais ce n’est pas dit qu’ils y soient encore...”

 

   ... Le temps n’a pas de prise ici. Tout semble d’une autre époque et pourtant tout est si simple... Le silence est maître. C’est étrange... Être née dans un pays de déserts de sable et aimer les étendues vertes... C’est comme une oasis, mais une oasis si grande qu’elle aurait la taille d’un désert... Un désert vert...

   Et au milieu de ce désert vert, il y a un petit point noir et blanc... Une étoile qui brille et illumine mes rêves... Celle qui m’a poussé à venir ici, celle qui m’a fait aimer ce pays... Elle a pour nom le panda...

 

   Quatre suit Wufei sans sourciller. Des petits sentiers d’herbes aplaties prouvent que d’autres sont déjà venus ici. Le sol que les deux hommes foulent n’est pas vierge. Ce territoire a déjà connu la présence des hommes... Et Meiran aussi a marché dans ce sentier... Elle a suivi les arbres et longé ce ruisseau. Elle-aussi, elle est venue dans ce lieu... Elle s’est peut-être tapie dans ce coin pour épier un panda...

   Wufei tourne la tête vers Quatre et lui recommande le silence. Quatre acquiesce d’un signe de tête et se fait le plus silencieux possible... Wufei s’arrête et observe la demi-clairière où ils arrivent. Malheureusement, ces ruses de sioux ne servent à rien, il n’y a pas de pandas par ici.

“- Ils sont où ?

  - Les derniers que Meiran ait vu se trouvaient là...”

   Wufei désigne un endroit un peu surélevé. Des herbes écrasées, des bouts de bois, des morceaux de bambous témoignaient encore du passage des pandas. Mais Quatre a beau regarder dans tous les sens : pas le moinde panda à l’horizon...

“- Pourquoi ils sont pas là ?

  - Je ne sais pas...”

   Un soupçon assaille Quatre et il agrippe le bras de Wufei qui le regarde alors avec étonnement.

“- Tu crois que... Barton...”

   Wufei saisit tout de suite l’allusion et réfléchit.

“- ... Non, je ne crois pas... Maxwell se serait vanté d’une telle prise...

  - Alors, où sont-ils ?

  - Je l’ignore... Ils ont peut-être trouvé un autre endroit plus agréable que celui-là...”

 

   Ce soir-là, autour du feu, Mr Lain joue d’une étrange flûte traversière. Wufei prend quelques secondes pour souffler à Quatre qu’il s’agit d’un ti fait en bambou. Mais il se tait presque tout de suite alors qu’une mélodie claire monte dans la nuit. Les femmes se mettent à fredonner doucement l’air dans la langue de leurs ancêtres et d’une main, les hommes tapotent distraitement la mesure sur leur cuisse.

   Quatre regarde cet étrange scène avec respect avant de se dire qu’il est un intrus parmi eux, qu’il n’a pas sa place ici... Il lève les yeux vers Wufei, assis pas loin de lui. Il a fermé les yeux, emporté par le chant de son peuple. Quatre le regard et le trouve beau. Le reflet des flammes semblent danser sur la peau du jeune homme au rythme de la symphonie. Son visage est illuminé par cette chaleur. il semble un instant à Quatre qu’il voit la pureté de l’âme de Wufei...

   Et Wufei ouvre les yeux, le regarde, lui sourit... Quatre ne peut pas détourner le regard de cet homme qui pourrait lui apporter tout ce dont il a toujours rêvé... Il se lève, s’éloigne... Un léger regard en arrière, pour Quatre qui hésite... Qui va le rejoindre...

   Une fois...

   Un feu qui brûle graduellement, empli l’air de ses couleurs... Deux flammes qui s’élèvent, se frôlent, ondulent... Elles dansent sensuellement, se caressent, s’unissent... Elles ne font plus qu’un...

   Et la nuit portera encore demain le souvenirs de leur étreinte... De leur embrassement mutuel...

   Une douceur... Un enlacement...

   Une vie...

   Au matin, Heero remarque les regards affectueux qu’échangent les deux hommes par-dessus leur tasse de thé. Il ne peut s’empêcher d’avoir un léger soupçon de sourire... Il avait bien deviné que ces deux-là étaient fait pour s’entendre...

 

   Au campement des chasseurs, on ne se préoccupe pas du bien-être des animaux. Alors que ses hommes préparent différents pièges et cages, Trowa Barton s’est apparemment assoupi dans une chaise, les pieds sur la table et le chapeau sur le visage. Duo Maxwell s’approche silencieusement, mais son ami l’entend quand même arriver.

“- Que veux-tu ? Tu sais que j’ai horreur d’être dérangé pendant ma sieste !

  - Je sais, Tro-man. Je voulais juste d’avertir que le blondinet est arrivé au campement de sa sœur...

  - C’est terrible !, s’exclame Trowa Barton en soulevant juste un coin de son chapeau. Ces petits jeunes n’écoutent jamais les conseils qu’on leur donne !

  - On fait quoi ?

  - Tu fais installer les pièges. Je me fis à ton jugement pour trouver les bons endroits.

  - Ok, Tro-man...”

   L’homme à la longue natte parle alors aux Chinois dans leur langue et leur explique ce qu’ils vont faire. Quant à Trowa Barton, il soupire avant de reprendre son ancienne position...

 

   ... Il fallut plusieurs jours avant que je puisse en voir un. Je faillis désespérer quand, au bout de  quinze jours, je n’en avais pas vu un seul. Wufei proposa même le départ, mais je réussis à le persuader de rester un jour de plus... Ma bonne étoile devait sûrement veiller sur moi, car en fin de matinée, alors que je m’étais un peu éloignée du campement, je le vis pour la première fois, royal et majestueux...

 

   Quatre se demande si sa sœur avait été aussi enthousiaste que lui. Ses yeux brillent d’excitation depuis que Wufei lui a désigné un animal noir et blanc. Il ne peut pas articuler un seul mot devant la beauté de cette animal. Meiran avait raison, il existe ! Et il est aussi noble qu’elle l’a écrit dans son journal.

   Wufei observe Quatre. Il est immobile, le regard rivé sur le fabuleux animal. Sa voix est un murmure lorsqu’il parle.

“- Il est si beau...”

    Wufei ne peut s’empêcher de sourire devant l’air si ému de Quatre. Il ne bouge pas, ne voulant pas effrayer l’animal. Il se contente de le regarder de loin.

“- Viens... On va aller un peu plus près...”

   Quatre hésite. Il ne veut pas déranger le panda occupé à grignoter une pousse de bambou. Mais d’un autre côté, s’il peut l’approcher davantage, le voir de plus près... Il voit Wufei lui tendre la main. Quatre sourit doucement en la saisissant et s’avance vers celui qui lui a montré la beauté de la vie...

   Les deux hommes s’avancent donc prudemment et assez silencieusement, mais le panda les entend. Il tourne lentement la tête dans leur direction. Quatre se fige et sa main, instinctivement, se pose sur le bras de Wufei.

“- Fei... Il nous a vu... Il... Il me regarde !”

   Quatre semble complètement bouleversé par cette rencontre. Il ne peut plus le quitter des yeux. Un craquement fait sursauter Quatre et sa main serre fortement le bras de Wufei.

   Le panda jette un regard dans la direction du bruit, mais ne s’étonne pas de ce qu’il voit arriver... Deux petits pandas adorables à souhait...

“- Oh ! Fei !, s’extasie Quatre. Regarde comme ils sont trop mignons !”

   Aussitôt, Quatre met la main devant sa bouche, il a peut-être parlé trop fort. Le panda lui jette juste un léger regard et retourne à sa première occupation.

   Quatre regarde les petits pandas jouer aux pieds du plus grand.

“- Tu crois que c’est leur maman ?

  - Possible...

  - Ils sont vraiment adorables...”

   Quatre comprend alors la passion de sa sœur pour cet animal légendaire...

   Un pas, puis un autre... Lentement... Comme des petits soldats, les deux pandas se suivent, dodelinant et se dandinant. L’un suit l’autre, l’imite... Et quand le premier se retourne, le second s’immobilise... Les animaux se courent après. Pour s’échapper, le premier s’élance et grimpe à l’arbre... Il tombe sur son poursuivant et les deux enfants roulent au sol... Jeu empli de nostalgie pour celui qui regarde...

   Il replonge dans le passé, dans le bonheur...

   Mais le bonheur est-il forcément passé ?

 

   ... Il est des choses merveilleuses dans ce monde, le panda en est une. Il faut que je trouve un moyen de le défendre... J’ai peur que Barton ne les trouve. J’ai encore vu Maxwell fouiner pas loin de notre campement. Je crains qu’il ne nous épie. Wufei partage mes inquiétudes, mais nous ne pouvons pas les empêcher d’arpenter la forêt...

   ... J’ai essayé de faire comprendre à ce Barton que la vie est quelque chose de précieux et qui le panda est un animal fabuleux. Il ne comprend rien ! Cet homme est une vraie mule !

 

   Quelques jours passent et Quatre, suivant les conseils de Wufei, prend mille précautions pour éviter que Barton ou Maxwell ne devine où il se rend.

   Un matin, Quatre et Wufei emmènent Toa voir les bébés pandas. Une fois le doute envolé, l’adolescent se prend d’amitié pour les peluches vivantes. Il passerait lui-aussi la journée à les observer aux côtés de Quatre qui ne peut s’empêcher de continuer à prendre des notes sur le carnet de sa sœur. Il détaille les animaux, complète la description faite par Meiran... Une certaine façon de faire survivre ce qu’elle avait commencé. Wufei et Toa lui sont utiles, ils lui expliquent les bienfaits des plantes, leurs utilités...

   Quatre n’aurait jamais pensé que la Chine puisse receler autant de secrets méconnus. Il a envie de partager ces découvertes avec le reste du monde, de les montrer à ses autres sœurs...

   Et pour la première fois, les pandas se laissent approcher. Quatre glisse timidement la main dans la douce fourrure et son sourire se fait bouleversé. Il lève les yeux vers Wufei. Ce dernier s’approche et se met aussi à caresser l’animal. Les mains des deux hommes finissent par se retrouver et s’unir. Leurs regards expriment alors leurs sentiments... Comme une promesse qu’eux-seuls comprennent...

   Bientôt, et encore trop tôt selon Quatre, il faut rentrer au campement. Le jeune garçon marche devant les deux hommes, heureux du spectacle auquel il a assisté. Quatre le suit de près et heureusement qu’il a de bons réflexes. Lorsqu’il voit Toa glisser devant lui, il le rattrape aussitôt et le remonte.

   Wufei arrive et voit ce qui a causé la chute de Toa. Un trou creusé presqu’au milieu du chemin... Des piques au fond de ce trou...

“- Barton, soupire-t-il.

  - Mais c’est pas vrai !!, s’écrie Quatre. C’est dangereux !!

  - Vas leur dire...

  - Tout à fait !!”

   Quatre furieux, serre les poings et dit au jeune garçon de rentrer à leur campement. Puis il se dirige vers le campement de Barton et Maxwell. Il sait où il se trouve car quelques jours auparavant lui et Wufei sont passés devant. Wufei, inquiet pour son ami, ne le quitte pas.

   Lorsqu’ils arrivent, ils voient Mr Barton en train de faire sa sieste quotidienne et Mr Maxwell lançant des directives aux Chinois. Personne ne paraît s’apercevoir de leur présence jusqu’à ce qu’un aboiement se fasse entendre.

“- Peace, Death !, crie Duo Maxwell au chien enchaîné.”

   Lorsque l’autre chien jappe lui-aussi, Duo Maxwell se retourne. Il sait que ce n’est pas normal que ses petits toutous à lui aboient sans raison. C’est alors qu’il voit Quatre au moment où celui-ci frappe d’un coup de poing la table où reposent les pieds de Mr Barton. La bouteille sur la table tangue mais ne tombe pas. Mr Barton, qui a senti la venue du blondinet, soulève un bord de son chapeau, pour donner un bref regard à l’homme qui le dérange.

“- Que me vaut l’honneur...

  - Un de vos stupides pièges a failli tuer Toa !!

  - Je ne connais pas de Toa.

  - Arrêtez !! Vous me prennez vraiment pour un idiot !

  - Je ne l’ai jamais dit.

  - Cessez donc vos manières ! Elles ne m’impressionnent pas !

  - Écoutez-moi bien, Mr Winner..., commence Trowa Barton en se levant.”

   Il est plus grand que Quatre, mais ce dernier soutient quand même le regard froid. Wufei veut intervenir, mais Duo Maxwell l’en empêche.

“- Laisse-les donc discuter un peu, déclare-t-il en souriant. À moins bien sûr que ton ami soit incapable de se débrouiller seul...”

   Wufei serre les poings de rage en observant son ami, mais il ne s’interpose pas.

“- ... Je n’interviens pas dans vos affaires, Mr Winner, ne vous mêlez pas des miennes !

  - Vos affaires me concernent quand elles menacent mes amis !”

   Les deux hommes s’affrontent du regard. Turquoises pures contre émeraudes déchues. L’innocence encore présente contre la corruption  passée...

   Aucun des deux ne cèdera, n’aurait cédé si les chiens ne s’étaient pas mis à aboyer, flairant sûrement quelque chose.

“- Tro !, s’exclame Duo Maxwell en se dirigeant vers l’endroit où sont attachés les chiens.

  - J’arrive.”

   Après un dernier regard, Trowa Barton se dirige vers Duo Maxwell qui l’attend en tenant ses deux chiens en laisse, chiens qui tirent de toutes leurs forces.

“- Yes, slowly, Death ! Quiet, Heavy ! On y va, Tro ?

  - Oui.”

   Mr Maxwell donne quelques ordres et trois Chinois les suivent dans la forêt, suivant la piste indiquée par les chiens.

   Wufei rejoint Quatre et va pour l’entraîner loin de cet endroit néfaste... Mais... Un cri...

“- Tro !!! Là !!”

   Puis un coup de fusil...

“- Non..., murmure Quatre.”

   Suivi par Wufei, Quatre courut dans la direction du coup de feu et bientôt les deux hommes arrivent à l’endroit où se trouvent les deux chasseurs et leurs hommes. Un énorme panda se trouve dans un arbre et Mr Maxwell recharge son fusil. Lorsqu’il tire à nouveau, Quatre n’hésite pas et fait dévier le tir.

“- Shit !, rugit Duo.

  - Mais vous êtes complètement fous !, s’écrie Quatre.

  - Tiens le blondinet, soupire Duo. Vous commencez vraiment à nous ennuyer !

  - Vous ne pouvez pas le tuer !!

  - Vous seriez prêt à risquez votre vie pour ce stupide animal ?, demande brusquement Trowa.

  - Ce n’est pas un stupide animal ! Et oui, je suis prêt à donner ma vie pour le défendre, lui et ses semblables !

  - Et pourquoi ?

  - Parce que ce sont des animaux magnifiques !! Ils sont exceptionnels !

  - Il est dangereux !!, s’écrie Duo.

  - Non !! Cet animal n’est pas dangereux !!

  - Prouvez-le, déclare Trowa.”

   Quatre hésite... Peut-être a-t-il une chance de convaincre cet homme sans cœur que les pandas sont des êtres doux et tendres...

“- D’accord... Éloignez-vous... Vous promettez que vous lui tirerez pas dessus ?”

   Trowa Barton est étonné par le désir de cet homme à sauver un petit animal, mais il voudrait savoir jusqu’où il ira. Il acquiesce et laisse faire Quatre. Lui et ses hommes obéissent et se cachent.

   Quatre attend, puis appelle doucement le panda. Ce dernier reconnait l’homme blond aux tendres caresses. Il descend de l’arbre, non sans avoir jeté plusieurs regards à l’endroit où sont cachés les autres hommes.

“- Shit ! Il va y arriver !

  - Chut !”

   Duo Maxwell se tait et jette un regard à son compagnon qui a les yeux rivés sur le spectacle qui se déroule devant ses yeux. Quatre s’est agenouillé près du panda presque plus gros que lui. Il n’a pas peur lorsqu’il touche l’animal. Bientôt, Quatre enlace le panda comme il le ferait d’un nounours. Il se perd dans cette douce fourrure. Il a trouvé le plus grand des trésors...

   Un des Chinois lève son arme, Trowa Barton la lui fait baisser lorsque le panda lui jette un regard.

“- Mais Tro...

  - Un animal dangereux ne se laisserait pas approcher aussi facilement... Peut-être n’est-il pas si dangereux que ça...

  - Le panda n’est dangereux que dans les histoires qu’on raconte aux enfants, Mr Barton, déclara Wufei. Il ne tient qu’à nous de prouver qu’il s’agit d’un noble animal.” 

   Trowa Barton serre les poings et fait subitement demi-tour. Duo Maxwell le suit et l’interroge. Ils parlent à mi-voix avant de quitter l’endroit. Les trois Chinois les rejoignent rapidement et Wufei se dirige vers Quatre.

“- Pourquoi sont-ils partis ?

  - Je l’ignore...

  - Tu crois qu’ils ont compris ?

  - Je l’espère...

  - Wufei... Je...”

   Quatre respira un grand coup.

“- Je veux sauver ces animaux, je veux les défendre... Je veux rester ici... Voudrais-tu... Avec moi...

  - Oui, sourit Wufei en prenant la main de Quatre. Nous les défendrons ensemble.

  - Merci...”

   Les yeux de Quatre brillent. Il est heureux et cela vaut tout les remerciements du monde. Leurs mains se serrent... C’est maintenant plus qu’une promesse, ils ont pris leur décision... Ensemble...

 

   Quelques jours plus tard, Duo Maxwell venait au campement de Quatre et Wufei. Il trouva les deux hommes enlacés au pied d’un arbre, observant deux bébés pandas jouant tranquillement. Wufei resserra son étreinte attirant un léger sourire amusé chez Duo.

“- Que voulez-vous ?, demanda Wufei.

  - Vous dire que vous avez gagné. À cause de vous, Tro veut plus tuer d’animaux ! C’était le meilleur chasseur que je connaisse !!”

   Amer, il leva son arme vers les deux hommes, le regard plus que menaçant.

“- Tout est de votre faute !”

   Mais il rabaissa son arme sans avoir pu tirer...

“- Vous avez tout détruit...

  - Non, ils m’ont rendu mon humanité...

  - Tro !”

   En effet, Trowa Barton venait de les rejoindre, soupçonnant ce que son ami voudrait faire.

“- Il faut beaucoup plus de courage pour sauver un animal que pour le tuer...

  - Rien ne vous empêche de réparer vos erreurs en sauvant désormais la vie des animaux...”

   Trowa acquiesça aux dire de Quatre. Le grand chasseur Trowa Barton n’existait plus... Un ange blond, protégé par un dragon, venait de lui rendre ce qu’il avait perdu depuis longtemps... Il l’apprendrait à Duo...

   Trowa s’approche de Duo et lui retire son arme en souriant d’un étrange sourire que Duo n’avait jamais vu. Oui, peut-être que Trowa est devenu plus humain... Seul l’avenir pourrait le dire...

   Quatre, lui, se sent d’humeur à protéger les pandas quoiqu’il arrive... Et avec Wufei à ses côtés, il sait qu’il y arrivera... Ne vient-il pas de connaître sa première victoire en convertissant Trowa ?

   Wufei resserre son étreinte. Il ne l’abandonnera pas...

 

Épilogue[5]

 

   Meiran...

   Ton rêve n’a pas été vain...

   Les chants du soir et les mélodies de la nuit m’emportent...

   Je voulais aller là-bas. Un devoir en souvenir de toi, un pèlerinage... Je partais pour un jour, mais je ne savais pas que je ne rentrerai jamais...

   Mon destin au creux d’un chemin... Dans des bras étrangers... Je ne voulais pas rester, je ne peux plus partir... Sa chaleur est un soleil. Il me réchauffe, m’enflamme et m’aime comme je suis...

   Je rêvais d’un monde sans pleurs. Cela n’existe pas, mais voilà... J’ai trouvé au détour d’une rue quelqu’un qui m’attendait sans le savoir... Et je l’aime...

 

   Meiran...

   Je ferme les yeux, je te revois... Tu es si belle, tu danses vêtue de rouge... Une ronde qui embrase la nuit et m’entraîne... Vers celui qui...

   Petite sœur, tu voles... Tes cendres s’envolent... Avec elles, je vole dans une nuit froide, je m’envole pour rejoindre...

   Meiran...

   Petite sœur du matin, veille sur moi...

   Je le sais, tu m’accompagnes et me guides...

   Il est là... Il m’attend...

   Shoukran...[6]

 

 

   Wufei regarde Quatre ouvrir l’urne funéraire qu’il avait emmené avec lui. Il libère les cendres de sa sœur au dessus de la rivière... Elle vogue à nouveau vers ses animaux en qui elle croyait. Les larmes de Quatre accompagnent les cendres.

   Mais quand il se retourne vers lui, c’est un sourire...

   Le plus beau des sourires...

   Celui de la vie...

 



[1] Sampan : petit bateau de passage et de transport sans voile, plus petit qu’une jonque.

[2] Patio : cour intérieure d’une maison( mot espagnol).

[3] Trad. : Merci, en chinois.

[4] Trad. : Arrêtez-vous !, en japonais.

[5]Écrit en écoutant Okaasan interprété par Azumi Inoue, extrait de Tonari no Totoro Image Album...

[6]Trad. : Merci, en arabe.