Auteur : Sekiei (sekieifics-quatchan@yahoo.fr )

Titre : Les oiseaux qui voyagent en cage…

Base : GW

Disclaimer : Ils ne sont pas à moi, et pour une fois, j’ai envie de les laisser livrer à eux-mêmes…

Couple : 1+4… eh oui ! Je ne suis pas coutumière du fait (et je ne le deviendrai pas… ^___^ ), mais j’écris en pensant à mon archange perso, alors… pourquoi m’empêcherai-je de lui faire plaisir ? et 4 x le désert…

Genre : Un peu de kawaï (et de angst… peux pas m’en empêcher… ^ ^ ) dans un monde de brutes… POV… songfic… divagations de l’auteur… Petit coup de cœur de mwa pour Q-chou d’amour par les yeux de Heechan chéri… voilà…

Remarques :

-         La songfic est un peu longue à démarrer, mais j’avais besoin de ce temps-là… J’ai écrit ce one-shot en pensant à mon petit archange à moi qui, je le précise pour le dégager de toute responsabilité, ne m’avait rien demandé… J’espère que ça te plaira, tenshi, même si je ne suis pas prête pour le 1x4 que tu apprécies tant… ^___^’’ Mille baisers à toi…

-         REVIEWS, please !!!

 

 

 

 

 

Les oiseaux qui voyagent en cage…

 

 

 

 

 

Je jette un coup d’œil à ma montre… Cela fait maintenant près de trois heures que je travaille sur Wing et je n’ai pas fini le quart de mes réparations… La dernière mission a été plus que rude, mais surtout nous avons passé plusieurs mois sans avoir le matériel et le temps de choyer nos gundams comme ils le méritent, nous contentant de parer aux réparations les plus pressées afin qu’ils ne tombent pas en morceaux à la prochaine mission…

Autant dire que ces quelques jours de « repos » qui nous ont été donnés par les Mads vont être bien remplis.

 

Je sors du cockpit pour nettoyer les objectifs des caméras de Zéro, et en profite pour regarder ce que font mes compagnons. Ils s’appliquent tous à remettre en état, comme je le fais, l’extension de leur âme qu’est pour chacun son gundam. Mais après tout, quoi de plus compréhensible que notre assiduité ? C’est notre vie que nous sauvons peut-être en effectuant ce travail correctement…

 

Cependant, la nuit commence à tomber, et même si nos armures mobiles sont à l’abri dans le creux de cette falaise à plusieurs centaines de kilomètres de toute habitation, il est hors de question d’allumer le moindre éclairage…

J’hésite, puis je lance le check-up automatique de Wing. Ca va prendre un bon moment, mais j’ai besoin de m’assurer que tous les systèmes internes sont en parfait état… Je n’aurais plus l’occasion de les réparer avant un temps indéterminé…

 

J’aperçois Wufei qui descend de Nataku avant de s’éloigner dans les profondeurs de la grotte. Il va sûrement méditer avant que nous ne venions tous le rejoindre. Je continue à nettoyer mes écrans de contrôle durant une dizaine de minutes avant de remarquer Trowa et Duo qui s’éloignent à leur tour. Trowa a une entorse à la cheville depuis la dernière mission, et le Shinigami, bien loin de son rôle d’assassin, l’aide à marcher avec précaution. Il a sûrement besoin de repos. Les acrobaties que nous devons tous réaliser pour tenir en équilibre sur nos gundams n’étant pas vraiment conseillées avec ce genre de blessures. Sans compter que c’est au tour de Duo de préparer le repas, chose que malgré son je-m’en-foutisme légendaire, il n’oublie jamais. D’ailleurs, en dépit d’une réputation injustifiée, il n’oublie jamais rien de ses responsabilités, en particulier lorsqu’elles impliquent d’autres que lui…

 

Wing est environ à la moitié de ses vérifications et tout à l’air pour le mieux.

Je vais prendre un peu l’air, en m’asseyant au bord du sas, les jambes dans le vide. Tout est silencieux. Mes compagnons se sont enfoncés trop loin dans les entrailles de la grotte pour que le moindre son parvienne jusqu’ici.

Je me retourne lentement vers l’ouverture dans la falaise laissant voir un magnifique panorama sur le ciel embrasant l’immense étendue de forêt vierge à nos pieds, et cela aussi loin que le regard peut porter.

Deathscythe et Sandrock se découpent en ombre chinoise sur le ciel flamboyant. Ils sont assis, adossés à la muraille de rochers, et semblent apaisés, presque endormis… Ils n’ont plus rien des armes terrifiantes qu’ils sont en réalité.

A cet instant, ils me rappellent presque les bienveillants géants en ruine du « Château dans le ciel… », un vieux film d’animation de bien avant les colonies…

 

Je secoue la tête… Ce n’est pas vraiment le moment de penser à cela… Et puis je l’aperçois soudain… Assis sur la main de Sandrock se tient une petite silhouette sombre, totalement immobile…

Quatre a ramené ses genoux contre sa poitrine et contemple son poing droit qu’il tient fermement serré. Et doucement, je le vois écarter ses doigts pour contempler ainsi ce qu’il semble tenir comme le plus précieux des trésors… Puis, si brusquement, que je sursaute presque, il referme sa main, et se ramasse sur lui-même, entourant ses jambes de ses bras et y cachant son visage.

 

Comme toujours quand je surprends ces moments de faiblesse qu’il ne s’autorise que lorsqu’il se croit à l’abri des regards, une étrange pensée envahit mon esprit…

Je sais que cela peut paraître bizarre, mais je pense sincèrement que Quatre est le plus fort de nous tous. Même si ce n’est peut-être pas ce qui ressort des apparences que nous donnons.

 

Pour certains, c’est Wufei qui remplit ce rôle, seul de nous tous à poursuivre un idéal. Wufei qui ne vit que par son code de l’honneur… Wufei qui n’hésite pas à aller chercher des réponses en prenant des décisions difficiles et contestables… Wufei qui ne se bat que pour une justice en laquelle il ne croit pas plus que nous… Et je reconnais qu’il possède une force d’âme peut commune pour réussir cette prouesse.

 

Pour d’autres, c’est Trowa. Trowa, le silencieux, qui enfouit au fond de son cœur tout ce qu’il ressent. Trowa qui n’a jamais eu de nom à lui avant l’opération Météor, et dont les seules bribes de passé sont bien trop douloureuses pour être une consolation… Trowa qui s’est battu longtemps sans même savoir pourquoi, et qu’aujourd’hui qu’il a enfin trouvé une raison, cela ne lui apporte que tristesse et préoccupation… Trowa qui protège tout le monde de ses sentiments, Trowa qui semble inébranlable, et qui veut faire croire à tous que rien ne le fera vaciller… Et là encore, je dois admettre que son emprise sur lui-même est plus qu’impressionnante.

 

Pour d’autres encore, Duo semblera bien au-dessus de nous tous. Duo qui en dépit des horreurs de son passé continue à partager sa joie de vivre et son sourire avec tous. Duo qui peut aussi être l’assassin le plus efficace que l’on puisse imaginer, mais qui ne perd pas pour autant son humanité, dissimulant simplement les ombres des remords présents dans son regard en nous éblouissant tous de son sourire inimitable sans jamais adresser un reproche à personne…

 

Pour beaucoup enfin, c’est moi qui suis à la tête de ce groupe d’exception. Moi, parce que je suis le Soldat Parfait, celui créé pour et par la guerre… Celui qui ne se soucie pas du code d’honneur de Wufei, des sentiments dissimulés de Trowa, des cauchemars de Duo… Le seul à pouvoir être l’amant de cette guerre et à lui faire enfanter dans la douleur une paix non encore baptisée…

 

Mais qui… qui penserait à Quatre ? Enfant protégé, adolescent droit mais naïf… plus frêle que les autres, plus pur sans doute, mais oh combien plus fragile…

Et bien, tout cela n’est que chimère en un sens… car je peux jurer à présent que nous nous connaissons tous, que nous avons passé plusieurs mois côte à côte… je peux jurer que Quatre est de loin, très loin, le plus fort de nous tous… Même s’il tente de le cacher…

 

                                   Les oiseaux qui voyagent en cage

                                   Recroquevillent leur amplitude

 

D’abord parce qu’il sait rêver comme nous ne le ferons jamais. Pour lui, la paix n’est pas qu’un mot… lui, voit quelque chose derrière ce conflit… derrière nos batailles désespérées… Il est celui qui insuffle l’espoir… il est la promesse de l’avenir…

Et pourtant, cet idéaliste adorable, ce rêveur d’harmonie et de liberté n’a jamais été libre.

Mais en dépit de son éducation et de tout ce qu’il a pu voir et entendre, l’utopiste a gardé ses ailes… Et il pourrait monter plus haut que tous les autres, si on lui en laissait la possibilité… Mais tous on toujours pris soin, croyant sans doute bien faire, pensant le protéger, de le maintenir prisonnier dans une cage souvent dorée, certes, mais cage tout de même… D’abord sous la tutelle de son père, puis sous celle du professeur H, puis alors même qu’il croyait s’échapper vraiment, celle des Manganacs…

Evidemment comment reprocher à ceux qui l’aiment de l’enfermer, de l’étouffer sous leur amour ? Cela lui est impossible et il ne le fera jamais… Il se tasse sur lui-même derrière ses barreaux, afin de ne pas laisser entrapercevoir ses ailes… afin que personne ne sache ce dont il serait capable s’il était libre…

 

                                   Ils traînent derrière eux leur paquetage

                                   Par moins cent mille mètres d'altitude

 

Et quand bien même… quand bien même personne ne tenterait de le maintenir ainsi confiné, son nom seul lui garantit une réclusion à perpétuité… Gagner ou perdre cette guerre ne changera pas grand chose pour lui. Il est et restera l’héritier de la fortune Winner et cela le suivra et ne le laissera pas en paix quoiqu’il fasse et où qu’il aille… Il devra toujours se battre pour avancer avec ce fardeau. Sans parler de sa nombreuse famille, qui sera toujours une responsabilité dont il ne pourra se défaire.

Je ne saurais pas dire comment je sais tout cela. Sûrement de simples regards et quelques soupirs qui me parlent plus que toutes ses dénégations lorsque l’on évoque ces sujets-là devant lui. Tous ces poids l’entraînent dans les abîmes sans fond de la triste réalité, l’empêchant de poursuivre ses rêves personnels pour le clouer au service de tous ceux qui voient en lui le maître de leur avenir alors que leurs attentes mêmes font de lui leur esclave.

 

                                    L'horizon est un inconnu

                                   A qui ils demanderont asile

 

Mais Quatre est aussi un être de passion et de tourmente… Quelqu’un qui n’a pas hésité à tout quitter, même contre l’avis de ses proches, pour se jeter dans un conflit où l’on ne l’attendait pas et qui ne lui apportera rien…  ou rien d’autre que d’avoir pu se battre pour que ses rêves deviennent réalité… pour les autres… Il a cette lumière au fond de ses yeux à la couleur indéfinissable, cette lueur qui apparaît lorsqu’il voit quelqu’un sourire… quand il peut ressentir le bonheur d’un autre… Un éclat qui ne se dévoile jamais pour lui-même, même si son sourire prétend nous tromper…

 

Et pourtant, comme il a quitté L4 pour la Terre, il n’hésitera pas à partir de nouveau, si cela se révèle nécessaire, vers un ailleurs dont il ne sait rien, se contentant d’espérer que l’on acceptera de l’aider. Ne se souciant en réalité pas de lui-même, il cherchera encore et toujours à se dévouer pour les autres. Est-il possible de trouver ainsi son bonheur uniquement dans celui des autres, ou joue-t-il une comédie parfaitement interprétée ?

 

                                    Ils espèrent être les bienvenus

                                    Dans le costume de leur exil

 

Quatre n’a pas peur des inconnus, mais cela l’angoisse… Cela est aisément perceptible lorsqu’on le connaît. Il craint de ne pas être accepté… d’être repoussé… à cause de son nom… de sa naissance… de son statut de New Type. Il y a tant de choses qui l’ont fait souffrir qu’il ne sait plus mettre de nom sur chacune. Et pourtant, beaucoup penseraient que ses malheurs ne sont pas grand chose comparés aux nôtres… Ceux-là ne peuvent pas comprendre. Quatre ne souffre pas de ce qu’il lui arrive… Il souffre de voir l’intolérance de ceux qui l’entourent… ils souffre pour et par eux. Et pourtant, il ne perd pas espoir. Il a gardé une fraîcheur et une pureté qui lui permettent de croire encore, là où nous avons tous renoncé.

Oh bien sûr… nous nous battons pour les civils, pour que cette guerre ne fasse plus de victimes, pour que les enfants aient un avenir radieux, et plein d’autre très belles choses de ce genre-là… Mais pour nous, ce ne sont que des mots… des concepts… pour lui, c’est une réalité… Alors, même s’il doit lire encore et encore dans les regards des gens du mépris, de la peur, ou du dégoût pour ce qu’il est, il continue à aller vers eux, à leur demander de l’accueillir… Parce que à chaque nouvelle rencontre, il existe une chance, même si elle est infime, que son interlocuteur contemple réellement celui qu’il est et l’accepte… en le comprenant ou non… cela n’est pas véritablement un problème…

 

 

Il n’a toujours pas bougé depuis tout à l’heure…

Wing a terminé son check-up, et il n’y a rien de grave à signaler. Je descends de mon gundam et commence à me diriger vers le fond de la grotte où nous attendent notre réchaud et nos lits de camp… Et puis, brusquement, je m’arrête et fais demi-tour. Je ne sais si c’est de la curiosité, de l’inquiétude, ou un autre sentiment sur lequel je n’ai jamais appris à mettre de nom, mais j’ai besoin d’aller le voir.

Utilisant la paroi rocheuse, je parviens sans peine à atteindre la paume de Sandrock où il est toujours assis, immobile. Mais lorsque je pose le pied sur la plaque de gundanium, il relève les yeux, surpris, avant de m’adresser un sourire à l’expression incertaine… entre tristesse et mélancolie…

Maintenant que je suis là, je me sens stupide. Je ne sais pas quoi faire, ni quoi dire… Je ne sais même pas pourquoi je suis venu. Alors je me laisse doucement tomber à ses côtés. Je contemple en silence son poing toujours fermement serré, qui ne laisse échapper aucun indice de ce qu’il renferme. Il a suivi mon regard et son sourire se fait soudain plus tendre, tandis qu’il me tend sa main et desserre lentement les doigts pour me permettre de voir ce qu’il tient aussi précieusement.

 

                                    Et ils portent au fond de leur coeur

                                    Une poignée de sable du désert

 

Du sable… du sable dont quelques fins grains dorés s’envolent à présent dans l’air frais du crépuscule. Juste une vision fugitive, comme de l’or liquide, puis il referme sa main pour préserver son trésor, tandis que son sourire mélancolique refait son apparition sur les traits délicats de son visage. Je ne peux m’empêcher de lui lancer un regard interrogateur, auquel il répond d’un léger soupir, avant d’expliquer à voix basse, comme s’il craignait de troubler la paix du couchant :

« Tu sais… le désert… c’est le seul endroit sur Terre où je peux entendre l’Uchuu no kokoro… ».

L’Uchuu no kokoro… l’Ame de l’Univers… est-ce que c’est vrai, Quatre ? est-ce qu’on peut vraiment entendre battre le Cœur de l’Univers ?

Non que je doute de sa parole… Seulement… j’aimerais tellement pouvoir l’écouter moi aussi… peut-être qu’alors je ne douterais plus… peut-être que je comprendrais enfin pourquoi je me bats…

Je sais que ce n’est pas mon rôle de poser des questions… enfin… ce n’est pas dans le rôle que l’on m’a attribué… Mais ce soir, ça ne compte pas… Je ne sais pas pourquoi… Peut-être parce que le ciel embrasé brûle mes inhibitions… peut-être parce que Quatre ne m’a toujours pas quitté des yeux et que, comme toujours, je suis incapable de discerner leur couleur qui change selon les ombres… peut-être parce que dans sa main fermée quelques grains de sable chantent une chanson que je ne peux entendre mais que je souhaite pourtant écouter…

 

Alors à cause de tout cela, et de plus encore, j’accepte de partager son regard et j’interroge: « Pourquoi tu ne peux pas l’entendre ailleurs ? ». Un nouveau soupir lui échappe, et il me dévisage étrangement, avant d’expliquer : « Les émotions perturbent le chant de l’Uchuu no kokoro. C’est comme cela que je peux les repérer et les reconnaître… Chaque émotion a un spectre bien particulier qui se superpose aux autres… ».

Il se tait quelques secondes, et j’ai l’impression qu’il n’en dira pas plus, mais il finit par poursuivre : « Un changement est facile à repérer. J’ai pu interpréter les émotions des gens qui m’entouraient bien avant d’entendre l’Uchuu no kokoro. Mais pour l’entendre lui véritablement, il ne faut personne autour de soi… aucune émotion, rien… le vide… la mer est trop bruyante… mais au fin fond du désert, on peut l’entendre… Oh pas bien fort, bien sûr… mais si l’on sait écouter… on peut l’entendre… Mais il est différent… pas comme lorsque je suis dans l’espace… » Il se tait encore avant de murmurer comme pour lui-même : « Et puis, tu sais… c’est dans le désert que je l’ai entendu pour la première fois… ».

 

                                    Ils sentent souvent son odeur

                                    En souvenir d'un bord de terre

 

Dans un geste lent, il porte sa main à son visage, desserrant légèrement les doigts, comme s’il respirait les effluves montant du sable… Je le regarde quelques instants sans rien dire… tentant d’imaginer tout ce qu’il me raconte… Et puis, j’interroge doucement :

« - Pourtant tu as été dans l’espace bien avant le désert…

-         Oui… mais… »

 

Il hésite et puis ajoute : « Tu sais, il ne suffit pas d’être New Type ou empathe pour pouvoir l’entendre. Avant j’étais en colère… ou que j’aille j’amenais avec moi une haine incommensurable… J’en voulais à mon père, à ma famille, à tout ceux qui ne voyaient en moi que ce qui les arrangeait ou leur semblait naturel… Mais surtout, j’étais en colère contre moi-même… car je savais que tous ceux-là n’avaient rien fait pour mériter mon aversion. Ce n’était pas leur faute, et je me traitais de lâche de les accuser de maux qui n’avaient pas de responsable ou pire qui n’étaient que la conséquence de mon propre manque de contrôle. Je nourrissais ma haine par ma haine, et se faisant je perturbais tout autour de moi…  Et quand bien même, ça n’aurait pas été le cas, je ne cherchais pas à écouter. Je ne faisais que maudire ce don qui me faisait un peu plus différent encore… qui était une raison de plus pour que l’on s’éloigne de moi… ».

Je n’ai plus de doute sur la manière dont je dois interpréter son sourire. Il est triste, tout simplement… Et je m’en veux d’avoir remuer tout ces souvenirs… Je ne peux que constater amèrement que si l’on m’empêche habituellement de parler, il y a peut-être une raison… et qui n’est pas forcément mauvaise…

Tant pis, je vais essayer de détourner la conversation : « Et tu pensais à quoi avant que je ne vienne t’interrompre ? ».

 

                                    Les oiseaux qui voyagent en cage

                                   Chantent dans leur tête des légendes

 

Il a un petit rire enfantin, avant de hausser les épaules.

« - Tu vas te moquer de moi ! 

-         Jamais ! »

 

Il se redresse et me dévisage un instant, les sourcils légèrement froncés. Il a été aussi surpris que moi de la vivacité de ma réponse. Mais c’est vrai… jamais… jamais je n’oserai me moquer de lui… Il est la dernière personne au monde à qui je pourrais ainsi manquer de respect, et ce quoi qu’il dise. Nous sommes très différents à bien des égards, Quatre est un mystère pour moi, mais malgré ou à cause de cela, nous portons chacun à l’autre une grande estime, que rien ne pourrait entamer.

Je reprends doucement :

« - Alors ?

-         Tu veux vraiment le savoir ?

-         Hn…

-         Je me remémorais les berceuses que me chantaient mes sœurs pour m’endormir quand j’étais petit… Elles avaient chacune une région du monde favorite dont elles traduisaient les plus jolies ballades en arabe pour moi. C’est comme ça que j’ai réussi à avoir une très bonne connaissance de la plupart des mythes de la Terre…

-         Je ne t’ai pas entendu quand je suis arrivé…

-         Je ne chante jamais à voix haute… »

Son regard se perd à nouveau sur la ligne sombre qui séparent les arbres du ciel au loin, comme s’il n’avait pas envie d’en dire plus.

 

                                    Avec de grands chevaux sauvages

                                    Qui repeuplent les no man's land

 

« Et elle racontait quoi celle à laquelle tu pensais quand je t’ai interrompu ? »

Quatre lève un sourcil mi-étonné mi-interrogateur, sans me quitter des yeux… « Tu es sûr que ça t’intéresse ? ». Et cette fois, c’est à mon tour de soupirer doucement et de détourner le regard. Mais je réponds quand même : « Personne ne m’a jamais chanter de berceuse, Quatre… ou alors je ne m’en souviens pas… et les seules légendes que je connaisse, ce sont celles que J jugeait indispensable à ma formation, dans le cadre de ce qu’il appelait une culture générale de fusion… afin de se fondre dans la foule… ».

Je me tais quelques secondes, mais je reprends juste avant qu’il ne dise quoi que ce soit : « Alors oui… si ça ne te dérange pas, ça m’intéresse… mais je peux comprendre que tu veuilles garder cela pour toi… ».

Il secoue la tête avec véhémence… « Non. Ne crois pas ça… c’est juste que je ne voulais pas t’embêter avec mes histoires… mais… si tu le veux… je peux te la réciter… pas la chanter… et puis en arabe, tu ne comprendrais pas… mais je peux te réciter une traduction approximative… ». Il réfléchit quelques instants, puis ajoute : « A la base, c’est une légende celte… ». Je m’adosse au pouce de Sandrock afin d’être mieux installé, et après un fugace éclair d’hésitation dans ses yeux, Quatre s’adosse lui-même à moi, reposant à moitié sur mon torse, sa tête renversée en arrière sur mon épaule. Il commence à réciter. Sa voix est posée, harmonieuse… suivant le rythme des vers qu’il tente tant bien que mal de conserver. Et je dois avouer que sa traduction est très agréable à entendre… à n’en pas douter, il est doué.

Fermant les yeux, je me laisse bercer par les images qu’il évoquent : un champ de bataille où le sang avait noyé la terre… où plus rien ne poussait… une terre maudite, défendue aux hommes… et qui devint le seul refuge d’une harde de chevaux sauvages pourchassée par une tribu viking… les hommes restèrent à la lisière de la plaine interdite, attendant que la faim pousse les chevaux à tenter de sortir… et le grand étalon à la tête du troupeau se sacrifie pour fertiliser la terre morte… et l’herbe qui repousse… les plantes qui reviennent… et la harde sauvée d’une mort certaine… mais la vallée, protégée par Sleipnir, le cheval d’Odin à huit jambes, est toujours interdite aux hommes qui tombent endormis dès qu’ils y entrent et ne se réveillent plus jusqu’à leur mort… les hommes qui ont gâché leur seule chance de rédemption… les hommes qui ont à jamais par leur cupidité perdu un dernier paradis terrestre…

C’est une belle mais triste histoire, et je n’ai pas tout suivi en détails, préférant me concentrer sur le rythme harmonieux adopté par mon compagnon… Quand la voix de Quatre se tait, tremblant légèrement sur le dernier vers, nous restons silencieux, bercés par l’obscurité presque complète à présent, écoutant les bruits étranges qui montent de la forêt tropicale à nos pieds. La chaleur étouffante de la journée a fait place à une douce fraîcheur.

Je n’ai pas envie de troubler ce moment de paix, mais je ne peux m’empêcher de demander : « Pourquoi tu ne veux pas la chanter, Quatre ? ».

 

                                   Ils chantent dans leur tête jusqu'au jour

                                   Où ils pourront à haute voix

                                   Annoncer le compte à rebours

                                   De l'explosion de leur joie

 

Je sens son corps se tendre légèrement contre moi, mais dans un effort de volonté palpable, il parvient à se détendre, avant de répondre avec un petit rire :

« - Tu ne me croiras pas si je te dis que je chante comme une casserole ?

-         Iie…

-         Tant pis…

-        

-         C’est une promesse… J’ai promis que je ne chanterais pas tant que tout ça ne sera pas fini… tant que nous n’aurons pas la paix pour laquelle nous nous battons…

-         A qui as-tu fait cette promesse ?

-         A moi-même… »

A nouveau un léger soupir vient s’échapper des lèvres de Quatre, tandis que ses yeux, brillant d’un étrange éclat dans la pénombre, fixent sans ciller les premières étoiles qui viennent d’apparaître…

« J’aurais pu entendre l’Uchuu no kokoro bien plus tôt si j’avais pris la peine d’écouter… Je me suis aperçu que j’avais gâché les plus belles années de mon enfance, à me nourrir de haine contre le seul parent qui me restait et qui m’aimait à sa manière autant qu’il est possible. Peut-être que si j’avais pris la peine de l’écouter lui aussi, j’aurais pu comprendre qu’il m’aimait… Cela n’aurait pas tout arrangé bien sûr… mais au moins, je ne l’aurais jamais blessé en lui disant que je n’étais qu’un assemblage de tissus organiques pouvant être remplacé n’importe quand, et aimé de personne… J’ai amèrement regretté ces paroles quand je me suis rendu compte de la vérité… mais il était trop tard… alors… ».

Il s’interrompt. Je le sens trembler contre moi, mais ce n’est pas de froid. Je resserre doucement mes bras autour de lui, juste pour le rassurer, témoigner de ma présence à ses côtés… « Dis-moi… ». Ma voix est basse, presque voilée… Je ne me reconnais plus, mais ça n’a pas d’importance… pas ce soir…

Il se blottit un peu plus étroitement dans mes bras, ramenant sa main toujours fermée, contre son torse.

 

                                   Et ils portent au fond de leur coeur

                                   Une poignée de sable du désert

 

« Alors quand j’ai entendu l’Uchuu no kokoro pour la première fois et que j’ai soudain réalisé tout cela, j’ai décidé d’apprendre à écouter, pour que cela ne puisse plus jamais se reproduire… Quand je me souviens des berceuses de mes sœurs, j’entends l’intonation de leur voix, leur visage, leurs gestes… je les écoute… Si je chantais, je ne ferais plus que m’écouter moi-même… ». Il marque une pause avant de demander d’un ton inquiet : « Tu comprends ? ». Je le serre un peu plus contre moi pour seule réponse. « Quand la paix sera enfin là, je pourrais réapprendre à construire un dialogue… à échanger… mais pour l’instant, dans les circonstances qui sont les nôtres, je ne veux pas courir le risque de passer à côtés des autres… Alors je me contente d’écouter… pour être sûr que ma propre voix ne couvrira pas la leur… ». J’acquiesce doucement. Je comprends bien mieux qu’il ne le croit… après tout quand on est réduit au silence, ce qui est presque une seconde nature chez moi, que peut-on faire à part écouter les autres ? Et on apprend… on apprend beaucoup… simplement en acceptant de les entendre…

Je remets en place quelques-unes des mèches blondes qui tombent dans ses yeux, avant de le prier doucement :

« - Raconte-moi…

-         Quoi ?

-         Raconte-moi… la première fois que tu l’as entendu… raconte-moi… »

 

                                   Ils sentent souvent son odeur

                                   En souvenir d'un bord de terre

 

« Quand je suis descendu sur Terre pour l’opération Meteor, j’avais rendez-vous avec les Manganacs dans le désert. Mais j’avais entré des coordonnées erronées et je me suis retrouvé au mauvais endroit. J’ai fait quelques vérifications, et ayant retrouvé le bon emplacement, je m’apprêtais à repartir, quand il m’a semblé entendre quelque chose… Enfin… entendre… ressentir, si tu préfères… Je ne sais pas comment le décrire… Mais c’était là…

Je ne l’avais jamais entendu avant… Et pourtant, je savais ce que c’était… je l’ai reconnu… un peu comme s’il avait toujours été là, sans que j’y prête attention… Et j’ai tout oublié… je suis juste resté à écouter. Lorsque j’ai repris mes esprits, la nuit était tombée depuis bien longtemps et quand je suis arrivée au lieu de rendez-vous, Rachid était mort d’inquiétude…

 

Durant tout le temps que j’ai passé parmi les Manganacs, je m’échappais chaque nuit, pour aller écouter. Je restais assis sur le sable à regarder les étoiles, bercé par le rythme de l’Uchuu no kokoro, qui me plongeait dans une sorte de transe. Et je n’avais qu’une peur, c’était qu’il se taise ou que je ne sois plus capable de l’entendre. Alors, pour me rassurer, j’ai appris peu à peu à éteindre en moi toute colère ou crainte, afin de ne pas perturber son chant… Et quand j’ai enfin pu l’entendre dans toute sa pureté, j’ai dû repartir avec Sandrock pour combattre OZ comme je l’avais promis. Et dès que j’ai quitté le désert, je n’ai plus rien perçu. J’étais vide. »

Je sens Quatre trembler légèrement, comme si ce seul souvenir suffisait à l’angoisser.

 

                                   Les oiseaux qui voyagent en cage

                                   Soulèveront un jour la terre

 

« Dès que j’avais un moment de solitude, je cherchais, j’écoutais désespérément. Je cherchais à faire le vide en moi, un peu comme Wufei quand il médite, je pensais que si je parvenais à faire taire mes émotions, je pourrais à nouveau l’entendre… ».

A ces mots, je ne peux retenir un frémissement. Je ne sais que trop ce qu’il en coûte de constamment refouler ses émotions, et l’idée qu’il puisse faire cela… volontairement… m’est intolérable. Quatre tourne la tête vers moi, et je peux voir luire ces prunelles dans l’obscurité et je devine qu’il m’adresse un sourire qui se veut rassurant avant de reprendre, toujours à voix basse :

« Et puis, j’ai compris. J’ai compris qu’en dehors de l’environnement propice du désert, je suis incapable d’entendre l’Uchuu no kokoro, car les émotions proches de moi se répercutent bien trop fort sur lui. Mais j’ai découvert que si certaines émotions, comme la haine, la colère, le mépris ou l’orgueil, affaiblissent son chant, voire le perturbent au point de le rendre presque méconnaissable, d’autres l’exaltent.  

Et c’est grâce à cela que j’ai commencé à développer mon empathie. Toutes ses émotions que je recevais, et que je détestais auparavant, je me suis mis à les rechercher pour y retrouver la trace d’un souvenir… Evidemment, ce n’est jamais qu’une évocation partielle et souvent éloignée du chant de l’Uchuu no kokoro, mais je peux tout de même le reconnaître…

Lorsque je suis retourné dans l’espace, je l’ai entendu de nouveau… mais différemment, il est plus distant, plus froid, là-haut… ». Il hésite une seconde avant d’ajouter en baissant la voix : « Moins humain… ».

 

                                   Pour qu'elle dépasse les nuages

                                   De brume, de feu et de poussière

 

« J’ai compris alors pourquoi je me battais. En réalité, la voix de l’Uchuu no kokoro n’est que le chant des émotions et des sentiments de l’ensemble des êtres vivants. Mais dans le désert, on est sur Terre… alors c’est surtout le chant des émotions humaines que j’entends, ce qui explique que je le comprenne mieux que lorsque je suis dans le vide de l’espace. Et j’ai réalisé que chacun d’entre nous était responsable des nuances de l’Uchuu no kokoro. A chaque perte humaine, il se modifie, perdant en intensité, comme un immense orchestre qui viendrait à perdre ses musiciens. Ce sont les morts violentes qui l’affaiblissent le plus, car alors les vies lui sont arrachées sans aucun avertissement…

Je ne veux plus entendre le Cœur de l’Univers rater un battement parce que la folie meurtrière de l’homme a provoqué une hécatombe plus importante que ce qu’il est à même de supporter… La plupart des gens attendent beaucoup de chose de la paix, moi je ne suis intéressé que par une seule… mais je sais que celle-là englobe toutes les autres… »

 

Se tournant légèrement sur le côté, Quatre se blottit un peu plus étroitement dans mes bras. Je ne sais pas quoi faire… d’aussi loin que je me souvienne, c’est la première fois que quelqu’un agit ainsi avec moi. Mais je ne me sens pas le courage de le repousser… D’ailleurs, je dois bien m’avouer que je n’en ai pas même l’envie…

Nous gardons le silence quelques minutes. Puis, si doucement que sa voix ne trouble pas le calme de la nuit qui nous entoure, il reprend : « Et il y a aussi autre chose… Enfin, ce n’est pas si différent au fond… Mais tu sais, tous les généticiens affirment que les mutations des New Types ne disparaîtront pas… C’est un changement de grande ampleur qui finira par concerner la quasi-totalité des humains vivants dans l’espace. Mais si une scission se crée entre la Terre et les Colonies, les New Types resteront cantonnés, comme c’est le cas actuellement.

Et je ne veux pas être le seul à avoir entendu la voix de l’Uchuu no kokoro dans le désert… Bien sûr, ils pourront l’écouter dans l’espace, mais c’est différent. Dans le vide, le chant est toujours aussi sublime, mais il est impersonnel, étranger… On ne peut pas y ressentir les mêmes choses… ».

Il a baissé la tête afin que ses mèches blondes m’empêchent de voir son regard, mais sa voix tremble légèrement d’une émotion qu’il ne parvient pas à contenir : « Je ne veux pas être le seul à avoir compris ce qu’il chante… Je me bats aussi pour eux… pour que ceux qui seront comme moi, aient le droit de venir écouter chanter l’Uchuu no kokoro sur cette Terre qui si loin que nous allions restera à jamais nôtre… ».

 

                                   Et qu'il ne reste que le soleil

                                   Et sa caresse sur leur peau

 

Sa voix se voile imperceptiblement et devient presque un murmure qui nécessite toute mon attention pour rester compréhensible. C’est presque comme s’il avait peur… mais de quoi ? de ce qu’il va dire ? ou a-t-il peur que je ne comprenne pas…

 

« Les rares fois où j’en parle, mes interlocuteurs rêvent toujours de pouvoir l’entendre eux aussi… ». Il marque une pause, et relevant la tête plonge ses yeux dans les miens. Je ne démens pas… il est vrai que je souhaiterais pouvoir ressentir tout ce dont il me parle… Cela me prouverait peut-être que l’univers, dans lequel je vis, n’est pas qu’un assemblage absurde d’atomes ayant malheureusement abouti d’une manière totalement fortuite et regrettable à la création du genre humain… peut-être alors pourrais-je retrouver confiance et croire à un nouveau en un futur possible, au lieu de simplement continuer à me battre sans interrogations comme la machine que l’on a fait de moi…

Détournant à nouveau le regard, sans doute désappointé de ma réponse muette à laquelle il s’attendait pourtant, il poursuit : « Moi, je ne rêve que de l’oublier… Je rêve de pouvoir aller m’asseoir sur une dune de sable au beau milieu du désert, et rester là à sentir l’odeur du sable portée par le vent sans prêter attention aux battements du Cœur de l’Univers… ne même pas le remarquer…

Car si cela arrive un jour, ce sera la preuve qu’il est suffisamment serein pour que mon attention ne soit attirée par aucun changement brusque dans son rythme… qu’il aura une continuité et une intégrité parfaite… Et alors, je saurais que le monde ne contient plus suffisamment d’émotions violentes, de sentiments condamnables, pour le perturber de manière importante…  Je saurais simplement que le monde est heureux… apaisé… Alors je voudrais… je voudrais tellement m’asseoir là, et tout oublier, à part le vent et la chaleur du soleil… ».

 

Il se tait, et j’aimerais lui dire quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Les mots me font toujours cruellement défaut au moment où j’en ai vraiment besoin… Je veux dire… pas besoin pour une mission ou… non… besoin pour moi… pour moi seul… mais je ne sais pas… Alors avec toute la douceur dont je suis capable, je referme mes doigts autour des siens qui enserrent toujours les fragiles grains de sable… juste pour lui montrer que je comprends…

« - C’est un rêve stupide, n’est-ce pas ?

-         Non. »

 

Et je n’ai pas besoin d’insister, il sait que je le pense.

 

                                   Et qu'il ne reste que le soleil

                                   Et sa caresse sur leur peau

 

De longs instants de silence. Une respiration régulière. Et je me rends compte qu’il s’est endormi… Je ressens un léger pincement au cœur en le constatant… Il me fait confiance au point de s’endormir dans mes bras… Je me demande si un jour j’en serai capable moi aussi…

Je préfère ne pas trop y penser… Ce serait trop dur de devoir m’avouer que la réponse est négative… Oh bien sûr, je pourrais rêver qu’un jour j’arriverai à vaincre mes réflexes d’auto-conservation qui me dominent en toutes circonstances et quelles que soit les personnes m’entourant… Mais je ne peux me mentir… je ne sais pas rêver… je ne suis pas assez fort pour cela…

 

Je referme encore davantage mes bras autour du corps paisible qui repose sur mon torse. Quatre… si fort et si fragile à la fois… Mon oiseau qui malgré sa cage a réussi à voyager… à partir comme il le voulait… Mon oiseau qui malgré l’étroitesse de sa cage a déployé ses ailes, même s’il sait qu’il ne s’envolera jamais…

Quatre qui poursuit des rêves impossibles, tout en en ayant pleinement conscience… Quatre qui m’apprend à écouter les rêves des autres pour remplacer le vide que l’absence des miens crée dans mon âme…

La lueur de l’aube me réveille en douceur. J’ai fini par m’assoupir. Je ne sais pas si les autres sont venus nous chercher… peu importe… Je jette un coup d’œil à Quatre. Il dort encore. Il n’a pas bougé depuis hier soir… Sa main agrippe toujours la poignée de sable qui ne peut échapper à son étreinte.

Le soleil qui émerge peu à peu de l’horizon envoie des reflets dorés qui jouent dans ses mèches blondes et sur la peau satinée de sa joue et de ses bras.

 

                                   Et ils portent au fond de leur coeur

                                   Une poignée de sable du désert

 

Il finit par ouvrir les paupières doucement, avant de se redresser d’un bond en se rendant compte de sa position et du regard que je fixe sur lui. Il commence à bredouiller des excuses, mais je le lui interdis en secouant légèrement la tête. Ce serait plutôt à moi de lui adresser des remerciements…

Après tout qui a jamais pris la peine de me parler comme il l’a fait ?

Je ne sais pas pourquoi j’agis ainsi, mais je ne peux retenir mon geste. Il est si kawaï avec ses cheveux ébouriffés par sa nuit de sommeil, son regard encore un peu vague, comme s’il ne savait pas très bien encore où il se trouvait. Je tends la main et caresse délicatement le velours de sa joue, avant de la retirer précipitamment comme un enfant pris en faute… Je ne sais vraiment plus ce que je fais… 

 

Il me regarde, surpris, comme hésitant sur l’attitude à adopter. Mais il m’envoie finalement le plus beau de ses sourires. Un sourire comme jamais personne ne m’en avait accordé… un sourire qui n’est adressé qu’à moi…

Et après tout, ce n’est pas si grave si je ne comprends pas pourquoi je me comporte ainsi, ni se que je ressens au fond de moi, parce que je sais que lui est à même de le comprendre… et je sais que si j’ai besoin de le savoir, il me l’expliquera… même si ce n’est pas facile… même si cela nous demande à tous deux du courage il me le dira… Et j’ai confiance. Il ne peut pas se tromper…

N’a-t-il pas écouté battre le Cœur de l’Univers… ? et j’ai compris au travers des paroles qu’il m’a dites hier soir… j’ai compris que, de même qu’au fond du spectre du silence se cachent toutes les musiques, au fond du chant de l’Uchuu no kokoro reposent toutes les émotions et sentiments humains…

Alors, pour la première fois, je n’ai plus peur, plus peur de ce que je suis et que je ne comprends pas. Je n’ai plus peur, car je ne suis plus seul…

J’ai un oiseau en cage qui accepte de partager ses rêves…

 

                                    Ils sentent souvent son odeur

                                    En souvenir d'un bord de terre

 

Je le vois porter doucement sa main à son visage, en m’adressant un sourire complice. Quelques grains de sable s’échappent et voltigent dans la brise matinale.

Je sais sans qu’il ait eu besoin de me le dire que le rituel, que j’ai surpris hier soir, n’a rien d’exceptionnel. Il a besoin de se rappeler ces moments passés dans le désert à communier avec l’Ame de l’Univers… Je sais qu’à chaque fois, il perd un peu de l’or liquide qui le rattache à ses rêves. Je sais que lorsque les derniers grains s’envoleront un soir au vent de la nuit, il retournera dans le désert…

Je lui demanderai de m’emmener… car si je ne peux entendre l’Uchuu no kokoro chanter les émotions de notre monde, je veux au moins te voir l’écouter…

Je ne suis peut-être pas bien fort, je ne sais peut-être pas m’abîmer dans mes désirs comme tous les autres le font si bien… et pourtant…

Pourtant, cette nuit, tu m’as donné à moi aussi, un rêve impossible à poursuivre… Un rêve unique qui vaudra plus tous les autres, car il est unique, et peu m’importe qu’il soit irréalisable…

J’ai enfin un rêve auquel je veux croire et je me donnerai corps et âme pour lui…

Je chéris un oiseau prisonnier et j’ai un rêve : un jour, envers et contre tout, j’ouvrirai sa cage…

 

 

OWARI…

 

 

 

Exil (La Rue Kétanou – En attendant les caravanes)

 

 

Les oiseaux qui voyagent en cage

 Recroquevillent leur amplitude

 Ils traînent derrière eux leur paquetage

 Par moins cent mille mètres d'altitude

 

 L'horizon est un inconnu

 A qui ils demanderont asile

 Ils espèrent être les bienvenus

 Dans le costume de leur exil

 

 {Refrain:}

 Et ils portent au fond de leur coeur

 Une poignée de sable du désert

 Ils sentent souvent son odeur

 En souvenir d'un bord de terre

 

 Les oiseaux qui voyagent en cage

 Chantent dans leur tête des légendes

 Avec de grands chevaux sauvages

 Qui repeuplent les no man's land

 

 Ils chantent dans leur tête jusqu'au jour

 Où ils pourront à haute voix

 Annoncer le compte à rebours

 De l'explosion de leur joie

 

 {Refrain}

 Et ils portent au fond de leur coeur

 Une poignée de sable du désert

 Ils sentent souvent son odeur

 En souvenir d'un bord de terre

 

 

 Les oiseaux qui voyagent en cage

 Soulèveront un jour la terre

 Pour qu'elle dépasse les nuages

 De brume, de feu et de poussière

 

 Et qu'il ne reste que le soleil

 Et sa caresse sur leur peau

 Et qu'il ne reste que le soleil

 Et sa caresse sur leur peau

 

{Refrain}

 Et ils portent au fond de leur coeur

 Une poignée de sable du désert

 Ils sentent souvent son odeur

 En souvenir d'un bord de terre