Titre : Noël Ensemble
Auteur : Sayana
E-Mail : chibi.sayana@free.fr
Site : http://chibi.sayana.free.fr
Base : Gundam Wing
Genre : songfic (comme d’habitude, quoi ^^ ;;;)
Note de l’auteur : Il s’agit de la suite indépendante de Noël Interdit, mais vous n’êtes bien sûr pas obligés d’avoir lu NI pour comprendre NE.
Commentaire : J’adore Noël, c’est une fête très importante et très symbolique pour moi, et j’avais envie d’écrire une nouvelle fic sur cette période qui me fait rêver. Elle n’est malheureusement pas très originale, et elle n’apporte pas grand chose de nouveau, mais c’est avant tout une occasion de me faire plaisir en écrivant une histoire qui me trottait dans la tête depuis un bon moment, un peu sur le modèle des contes de Noël que j’écoute en décorant le sapin ^^. J’espère que vous l’apprécierez quand même un peu !
Disclaimer : La chanson « Noël Ensemble », interprétée par de nombreux grands artistes, est tirée de l’album éponyme, réalisé pour la fondation « Ensemble contre le Sida » (*pub*).
Voilà, bonne lecture et n’hésitez pas à me laisser un petit mot !
Noël
Ensemble
Noël
Ensemble
- Mais enfin, Monsieur Winner, soyez raisonnable !
Vous ne pouvez pas partir maintenant, ce serait de l’inconscience pure ! Une
terrible tempête de neige est annoncée pour cette nuit, ce n’est absolument pas
prudent de voyager dans ces conditions ! Et puis, dans votre état, ce
n’est pas sérieux !
- Je vous remercie de vous inquiéter pour moi, Chris, mais
je vous assure que tout ira très bien. Ce ne sont pas quelques flocons de
neige, ni même une petite grippe, qui m’empêcheront de rejoindre mes amis pour
fêter Noël.
Tout en se hâtant vers le hangar où l’attendait
son petit avion privé, Quatre tentait
vainement de tranquilliser un peu son assistante qui le poursuivait avec
acharnement depuis dix minutes. En temps normal, il lui était gré de
s’inquiéter ainsi pour lui, sa sollicitude presque maternelle le touchait
profondément. Mais à l’instant même, il aurait donné cher pour qu’elle le
laisse en paix, tant il était pressé de partir.
Espérant couper court à la conversation, il
commença à s’installer aux commandes de l’appareil, tandis que la jeune femme se
risquait à une ultime approche, quasiment sans espoir, elle le devinait.
- Puisque vous tenez tellement à partir maintenant,
acceptez-au moins que quelqu’un vous emmène là-bas. Vous ne parviendrez jamais
à conduire dans un tel état de fatigue, c’est beaucoup trop dangereux …
- Vous savez, j’ai déjà piloté dans des situations pires
que celle-ci …
Le regard de Quatre se voila brusquement et son
sourire s’évanouit. Les paroles de la jeune femme avaient étrangement réveillé
en lui des souvenirs qu’il espérait enfouis profondément : tous ces
combats passés durant lesquels il avait été si souvent blessé, mais qu’il avait fallu continuer
malgré tout, malgré la douleur et l’épuisement ; toutes ces batailles à bord de son Gundam,
dans des conditions pratiquement désespérées … Que représentaient après tout un
peu de fièvre et quelques courbatures, comparées à toutes ces souffrances qu’il
avait dû endurer pendant toutes ces guerres ?
Devant le visage soudain figé du petit blond,
Chris se mordit la lèvre, consciente d’avoir involontairement remué de
douloureuses pensées. Elle chercha rapidement comment rattraper sa maladresse
d’une manière ou d’une autre et commença avec un peu d’hésitation :
- Monsieur Winner, je suis désolée …
Cette petite phrase timide sortit instantanément
Quatre de ses réminiscences passagères. Il considéra son interlocutrice avec un peu d’étonnement, et constatant son
air effondré, il la réconforta aussitôt :
- Ne vous inquiétez pas, Chris, ça ira …
L’Arabe
souligna ses paroles de son plus beau sourire rassurant, mais cela n’eut
apparemment pas l’effet escompté, la jeune femme semblait plus inquiète que
jamais. Il est vrai que sa réponse était plus qu’évasive. Concernait-elle son
état physique ou mental ? Lui-même ne le savait pas.
Mais il avait
décrété qu’il n’était plus temps de s’appesantir sur ces sombres évocations. Il
était déjà très en retard pour son rendez-vous, et surtout rien ne devait venir
gâcher cette soirée qui s’annonçait si agréable, en Sa compagnie.
Il tenta
donc de se justifier une nouvelle et dernière fois :
- Ecoutez, Chris, je suis tout à fait capable de piloter
cet avion même en étant malade, j’ai été entraîné pour parer à ce genre de
situation délicate. Et puis, vous me connaissez suffisamment maintenant, vous
savez que vous pouvez avoir confiance en moi, je ne vous mentirais jamais sur
mon état de santé et sur mes capacités véritables …
L’intéressée ne
sembla guère convaincue par ces paroles. Il est vrai que le teint pâle et les
traits tirés du jeune homme ne plaidaient pas en sa faveur.
Celui-ci décida alors de changer de
stratégie :
- Et puis, je ne peux pas me permettre de déranger
quelqu’un en cette nuit de réveillon. Ne croyez-vous pas qu’un pilote d’avion a
le droit lui aussi de passer Noël en famille ? Je ne peux pas exiger que
quelqu’un m’accompagne ce soir, ce ne serait pas juste pour lui. Je sais depuis
peu ce que peux représenter une telle fête pour certaines personnes, et je n’ai
pas le droit de priver quelqu’un de ce bonheur …
Quatre sentit son
cœur se serrer. Cette phrase l’avait de nouveau replongé dans ses souvenirs, et
il ne se rappelait que trop bien la déception de Duo devant le refus de ses
amis de passer Noël avec lui. Il les avait bouleversés en leur révélant la
dimension qu’il accordait à cette fête, la signification qu’elle représentait
pour lui.
¤ Flash-back [1]
¤
« Depuis que je suis tout petit, Noël revêt une grande
importance pour moi. Cette fête a toujours représenté à mes yeux l’espoir et la
paix. Mais jusqu’à présent, j’ai toujours été tout seul à cette époque, à cause
de la famine, de la maladie ou tout simplement de la guerre. Mais cette année,
cette année enfin, j’ai cru que je pourrais … Pour la première fois de ma vie,
j’ai des amis avec qui j’ai envie de partager un peu de joie et d’espérance en
cette période de fête… Je voulais … Je voulais juste … vivre ce moment … avec
vous … »
¤ Fin du flash-back ¤
Non, il n’avait
définitivement pas le droit d’infliger cette peine à qui que ce soit …
- Vous aussi, Chris, vous devriez rentrer chez vous
rejoindre votre mari, il doit sûrement vous attendre depuis un petit moment. Je
vous promets de vous téléphoner dès que je serai arrivé, si cela peut vous
rassurer …
La jeune femme fit
une moue dubitative, mais elle n’ajouta rien. Elle connaissait Quatre depuis
suffisamment de temps maintenant pour savoir qu’il avait pris une décision
irrévocable, et qu’elle ne parviendrait pas à le faire changer d’avis. Son
insistance n’aboutirait qu’à renforcer son entêtement, ainsi qu’elle qualifiait
parfois le comportement du jeune homme.
Elle poussa un
profond soupir, s’avouant vaincue avec regrets, mais elle ne put s’empêcher
d’ajouter quand même :
-
Promettez-moi d’être prudent …
Quatre
acquiesça, ému malgré tout par l’inquiétude immense qu’il lisait dans le regard
de celle qu’il considérait comme une amie sincère. Il s’en voulait un peu de la
tracasser à ce point, il se sentait coupable malgré lui.
Cependant, il se
rappela aussitôt pourquoi il agissait ainsi, et un large sourire illumina son
visage.
Dans quelques heures
à peine, il allait enfin revoir tous ses amis. Et surtout Lui.
Cette simple idée le
fit se hâter dans ses préparatifs de vol.
Pourtant, malgré
l’habitude, ses gestes étaient lents, mal assurés. Une maladresse due sans
doute à sa forte fièvre, reconnut-il intérieurement. Il fit cependant le
maximum pour que Chris ne remarque pas ses difficultés, sous peine de
l’inquiéter davantage.
Une fois toutes les vérifications d’usage effectuées, il salua la jeune femme d’un petit signe de la main et démarra l’appareil, qui décolla enfin dans un ronronnement rassurant.
Oublier
les frontières
Dépasser
nos querelles
Ce
soir nous rassemble
Refuser
d’être seul
Revenir
à l’enfance
Le
cirque avait choisi d’établir son campement dans une grande clairière, un peu
après la sortie de la ville. L’endroit était spacieux, clair et convivial,
bordé de nombreux arbres magnifiques. Pratiquement au centre du lieu se
trouvait un sapin immense qui avait été décoré pour l’occasion, et près duquel
se dressait le grand chapiteau, plus immense et imposant que jamais.
La
troupe entière s’était réunie pour garnir cet arbre majestueux. La base de son
tronc était recouverte de tentures vertes et rouges, brodées de petites étoiles
argentées et de flocons de neige. Des centaines de boules resplendissantes
avaient été accrochées sur chaque branche, accompagnées de cloches et de
clochettes qui tintinnabulaient joyeusement au moindre souffle de vent, et
entremêlées de dizaines de guirlandes lumineuses de toutes les couleurs et de
toutes les formes, qui scintillaient gaiement, illuminant les alentours d’une
lumière féerique. Chacun avait tenu à apporter sa touche personnelle à la
décoration du résineux, qui un ange doré ou un petit lutin farceur, qui un
Père-Noël joyeux ou un bonhomme de neige rieur, qui des nœuds multicolores ou
des bougies étincelantes, qui encore des petits cadeaux mystérieux ou des
bonbons et des sucres d’orge attrayants qui faisaient la joie des enfants. Tout
en haut de l’arbre, sur la plus haute branche,
avait été placée une étoile d’or gigantesque, qui brillait de mille
feux, reflétant la multitude de petites ampoules multicolores. Le sapin était
si grand qu’on la distinguait à des lieux à la ronde et elle guidait les
visiteurs jusqu’au pied du chapiteau.
Ensuite,
pour créer une ambiance plus magique encore, tous s’étaient amusés à blanchir
chaque arbre bordant la clairière et à les décorer eux aussi de guirlandes
lumineuses, qui formaient tout autour du camp une ceinture éblouissante.
Les
roulottes des membres s’étaient elles-aussi parées de leurs habits de
fête : stalactites de coton tombant des toits des maisons roulantes,
guirlandes chatoyantes accrochées aux façades, petits décors électrostatiques
fleurissant aux vitres et côtoyant des étoiles filantes ou des bonhommes de
neige souriants, photophores allumés posés sur les rebords des fenêtres, nœuds
or et argent disséminés un peu partout sur les volets, houx, gui, chaussettes
et couronnes de Noël suspendues sur chaque porte d’entrée pour souhaiter la
bienvenue aux nombreux visiteurs … Chaque caravane semblait s’être ainsi
transformée magiquement en petits chalets festifs et accueillants.
Le
chapiteau avait été garni de tentures rouges et vertes, retenues par des
centaines de nœuds et de liens de soie ou de velours. Un faux Père-Noël avait
été suspendu à la toiture du chapiteau et semblait l’escalader agilement, comme
s’il avait choisi de pénétrer par le faîte du toit pour distribuer les cadeaux
qui débordaient de sa hotte, et répandre ainsi la joie et la gaieté tout autour
de lui.
Les
cages et les enclos des animaux eux-mêmes n’avaient pas été oubliés et se
trouvaient ornés de multiples guirlandes flamboyantes et de rubans soyeux.
Chacun
avait également revêtu un costume superbe pour l’occasion. L’on pouvait croiser
au détour d’un chemin ou d’une baraque nombre de petits lutins facétieux
coiffés de chapeaux pointus et colorés, accompagnés de bonhommes de neige
portant écharpes et balais, ou encore d’anges divins entièrement vêtus de
tenues immaculées.
Une
agitation intense régnait dans tout le camp, paraissant s’amplifier au fur et à
mesure que le temps passait. Partout, dans chaque recoin, flottait une
atmosphère spéciale, presque surnaturelle. Des chants traditionnels, retransmis
par des haut-parleurs habilement cachés, semblaient monter directement vers le
ciel.
Il était
près de 22h00 et les spectateurs commençaient à affluer en grand nombre,
couples d’amoureux paraissant seuls au monde, enfants fascinés qui ouvraient de
grands yeux émerveillés et couraient partout pour ne pas manquer une seule
miette du spectacle magnifique autour d’eux, parents quasiment aussi éblouis
que leurs petits, retrouvant pour quelques instants leur âme d’enfant devant ce
décor magique et enchanteur.
Il faut
dire que toute la troupe avait fait de son mieux pour rendre cette soirée
inoubliable. Le cirque avait été choisi parmi des dizaines de troupes pour
donner une représentation exceptionnelle en ce 24 décembre, et tenait à faire
la meilleure impression possible en remerciement de ce qu’elle considérait
comme un honneur. Outre les décorations, l’ensemble du groupe avait préparé un
spectacle qui promettait d’être unique. Tous avaient passé des jours et des
jours entiers à préparer tout cela, à mettre au point des numéros inédits et
extraordinaires.
Et
pouvoir rêver
D’un
sapin qui touche le ciel
De
former une guirlande
Et
quand tout n’est qu’étincelle
Qu’une
étoile nous attende
Quatre devait bien reconnaître que Chris avait
raison lorsqu’elle évoquait une terrible tempête de neige. Les conditions de
vol s’avéraient de plus en plus délicates au fur et à mesure que le temps
passait. La neige tombait de plus en plus drue tout autour de lui, et de
violentes bourrasques de vent déstabilisaient régulièrement le frêle avion.
Pour ne rien arranger, Quatre lui-même se sentait de plus
en plus las, ses yeux le brûlaient et il était parcouru de frissons, provoqués
par le froid ambiant et la fièvre qui commençait à le faire trembler.
Finalement, il aurait peut-être dû écouter
Chris quand elle lui demandait de différer son départ, mais il était maintenant
trop tard.
Alors pour se donner un peu de courage, Quatre jeta un
petit coup d’œil à l’objet posé sur le siège à côté de lui. Il s’agissait d’un
petit nounours blanc en peluche, vêtu d’une petite écharpe et d’un joli
pull-over rouge sur lequel était brodée une lettre argentée.
Son initiale.
Quatre était parti à la recherche de cadeaux de Noël pour
certains de ses nombreux neveux lorsque au détour d’un magasin, il avait
totalement craqué pour la bouille souriante et adorable de cet animal, et il
s’était empressé de l’acheter. Il comptait en effet la Lui offrir en cadeau de
Noël.
Et depuis plusieurs jours, il essayait d’imaginer
l’expression de Son visage en découvrant cet objet. Serait-Il content de
recevoir un petit présent, ou gêné d’une telle marque d’attention, ou
encore furieux qu’il ait choisi un cadeau aussi enfantin ?
Plus encore, manifesterait-Il sa gratitude, ou la
cacherait-Il comme à Son habitude, par peur de montrer aux autres que Lui aussi
était capable d’être touché par quelque chose ? Ou pire encore, cela Lui
serait-Il complètement égal ?
Le petit blond n’en avait absolument aucune idée, et cela
provoqua en lui un petit pincement au cœur.
Cela faisait plusieurs mois que tous deux s’étaient
considérablement rapprochés, passant beaucoup de temps ensemble quand leurs
occupations respectives le leur permettaient. Ils n’étaient pas encore
officiellement en couple, mais ils sentaient que quelque chose de très fort se
passait entre eux.
Néanmoins, Quatre n’arrivait toujours pas à comprendre certaines
de Ses réactions. Elles pouvaient être complètement déconcertantes, tellement
inattendues au regard des situations que ses certitudes s’en trouvaient
totalement ébranlées.
Parfois, malgré leur entente, il avait l’impression
désagréable qu’ils étaient encore des étrangers l’un pour l’autre. Il est vrai
qu’Il avait toujours été quelqu’un de silencieux et de très distant, faisant
rarement confiance aux gens qui L’entouraient, hésitant toujours à livrer Ses
sentiments les plus profonds.
Pourtant, le petit blond avait compris depuis longtemps que
Son masque de froideur et d’indifférence n’était qu’une façade, qu’Il se
cachait seulement derrière cette apparence glaciale pour éviter de se montrer
tel qu’Il était vraiment, un être
blessé et fragile, réclamant amour et amitié sans oser les demander
ouvertement.
Quatre avait été intensément ému par cette détresse fière
et silencieuse, et il avait décidé qu’il était de son devoir de faire quelque
chose pour L’aider. Il avait alors entrepris de se rapprocher de Lui, pour Lui faire comprendre, par sa présence
discrète mais rassurante, qu’il était à Ses côtés en cas de doute ou de besoin.
Il espérait ainsi instaurer entre eux une relation de confiance et de loyauté,
pour L’amener enfin à Se livrer en toute sincérité.
Petit à petit, sa patience et sa douceur s’étaient trouvées
récompensées. Il avait commencé à L’apprivoiser comme un petit animal craintif,
lentement, progressivement. A son contact, Il s’était mis à changer peu à peu,
devenant plus ouvert, moins solitaire et méfiant. Même s’Il ne faisait pas
encore ouvertement état de Ses sentiments, Il ne les cachait plus honteusement.
Et c’était bien cela le plus important.
Cependant, Quatre avait pleinement conscience que le chemin
était encore long avant de parvenir à une véritable liaison entre eux, faite de
partage et d’assurance.
Mais il y arriverait, il se l’était promis. Une telle
relation méritait tous les efforts du monde, elle en valait amplement la peine.
Un jour, ils seraient véritablement ensemble, en couple.
Plus seulement Quatre et Lui, mais eux. C’était le but qu’il s’était fixé, et
il était bien décidé à l’atteindre. Peut-être même dès ce soir.
Quatre sourit heureusement à l’évocation des moyens les
plus agréables pour y parvenir. Il entendait bien les mettre en œuvre le
soir-même. Cette soirée représentait tellement de choses pour eux tous que
c’était le moment idéal pour une déclaration. Il ne voulait surtout pas Le
brusquer ni précipiter les choses, mais seulement Lui faire comprendre la profondeur
de ses sentiments.
Non, plus exactement la force de leurs sentiments,
qu’il savait réciproques.
Et tant pis si les autres étaient présents, tant pis s’ils
découvraient leur relation. Il était temps qu’ils sachent tout.
Mais de toute façon, Quatre les soupçonnait d’avoir déjà
deviné ce qu’il se passait entre eux, même si aucun n’avait jamais fait la
moindre remarque à ce sujet, par respect pour leur secret.
Ce soir, Quatre avait envie de hurler son amour à la Terre entière.
Noël
Noël
Ensemble
Ensemble
Passer
Noël ensemble
Trowa soupira profondément et quitta l’appui de la fenêtre
sur laquelle il avait posé son front pour aller s’asseoir sur une banquette,
d’où il se releva aussitôt.
Il n’arrivait pas à tenir en place et tournait en rond
depuis des heures. La perspective de Sa prochaine arrivée le mettait dans tous
ses états. Il n’avait pas l’habitude d’être aussi énervé et excité tout à la
fois, cela ne ressemblait guère à l’image de soldat imperturbable qui était la
sienne auparavant.
En fait, il se sentait devenir plus « humain » au
fur et à mesure que le temps passait. Et cela, c’était à ses amis qu’il le
devait. Catherine et les autres pilotes.
Et surtout Lui.
Il Lui devait tant de choses. Celui-ci avait eu tellement
de patience, tellement de volonté pour l’apprivoiser. Au lieu de le juger froid
et insensible comme le faisaient souvent les gens au premier abord, Il avait
pris la peine de tenter de le connaître réellement, tel qu’il était vraiment.
Au début, Il avait eu énormément de mal, Trowa devait bien reconnaître qu’il
n’était pas quelqu’un qui se laissait approcher si facilement.
Mais à force de persévérance et de douceur, Il avait réussi
à briser peu à peu la froideur dont il s’entourait, Il était parvenu à rompre
cette carapace artificielle. Lui seul avait su le comprendre et découvrir que
cette défense n’était qu’une protection feinte, qu’elle n’était pas sa
véritable personnalité, qu’il ne faisait que se cacher derrière un mur
d’apparences trompeuses pour se protéger. Ce n’était pas là le vrai Trowa. Le
vrai, personne ne l’avait jamais vu. Lui commençait seulement à peine à le
découvrir. Trowa ne voulait pas livrer aussi vite sa vraie personnalité, cela
le répugnait, Il devait le mériter.
Mais le châtain se sentait bien avec Lui, il savait qu’il
pouvait Lui faire confiance. Jamais Il ne lui demanderait quelque chose qu’il
n’était pas prêt à faire, Il le respectait trop. Trowa le sentait, il sentait
cette forme de respect, ce respect de l’autre, de ses peurs, de ses angoisses.
Jamais Il ne le forcerait à faire quoi que ce soit qui lui déplaisait. Il
savait qu’Il était prêt à prendre son temps pour le connaître, le découvrir, et
il lui en était extrêmement reconnaissant.
Cependant, Trowa commençait à être légèrement inquiet et
agacé. Il lui avait promis de venir un peu avant le spectacle, pour qu’ils
aient le temps de se voir brièvement avant que les autres n’arrivent.
Trowa voulait en
outre Lui offrir son cadeau de Noël, car il était encore gêné de le faire
devant ses amis. Il ne se sentait pas encore prêt à montrer ouvertement, devant
les autres, ses sentiments les plus profonds. Il aurait donc voulu le Lui
offrir en privé, en toute intimité.
Seulement, le spectacle allait bientôt commencer et il
serait alors trop tard pour leur petit tête à tête tant attendu. Les autres
ex-pilotes seraient tous présents, et il ne leur serait plus possible de se
voir seul à seul. Et cela le contrariait énormément.
Bien sûr, il était content de revoir ses amis, et il
appréciait le geste de Catherine en cette nuit de Noël.
A la fin de la guerre, il avait choisi de revenir vivre au
cirque, là où il se sentait chez lui, là où était sa vraie famille. Il était
sûr d’avoir pris la bonne décision, tant Cathy avait parue heureuse de le
revoir.
Mais il devait bien reconnaître que ses amis lui
manquaient. Il ne les voyait que trop rarement, tous travaillant chacun de leur
coté. Ils échangeaient bien quelques coups de téléphone de temps à autre, mais
cela ne compensait pas totalement leur absence.
C’est pour cette raison qu’il avaient décidé de tous se réunir quelque part pour fêter Noël ensemble.
Lorsque Trowa avait fait part de cette idée à Catherine, elle avait spontanément proposé que ces retrouvailles se déroulent au cirque. Le châtain s’était montré relativement surpris d’une telle proposition, car il connaissait l’animosité de la jeune femme envers les autres pilotes. Elle avait alors argué que toute la troupe avait besoin de lui pour le spectacle qu’elle devait présenter ce soir-là, et que son absence serait très dommageable s’il quittait le cirque pour rejoindre ses amis.
Cela était vrai, mais Trowa soupçonnait également une autre raison : la jeune femme avait une terrible envie de passer Noël avec lui, mais elle n’osait tout simplement pas le lui avouer. En proposant que leur réunion se passe au cirque, elle avait l’assurance de la présence du jeune homme au moins une partie de la soirée, même si après, elle était prête à le laisser seul avec les autres.
Trowa avait finalement accepté sa proposition pour lui faire plaisir. Catherine s’était montrée tellement contente d’avoir obtenu son accord qu’elle avait tenu à téléphoner personnellement à ses amis et à les inviter elle-même au spectacle de Noël. C’était pour elle une façon de s’excuser de son hostilité envers les autres du temps de la guerre. Il savait qu’elle ne les portait pas dans son cœur et son geste n’en avait donc que plus de valeur. Elle avait délibérément choisi de faire un effort pour lui, et il lui en était extrêmement reconnaissant. En effet, il tenait beaucoup à la jeune femme, et il était peiné de l’opinion qu’elle avait de ses amis. Il aurait donné n’importe quoi pour la faire changer d’avis, pour trouver une solution à ce problème. Et voilà qu’elle la lui fournissait elle-même.
C’était peut-être cela que l’on appelait la magie de Noël …
Noël
Noël
Noël
Ensemble
Hummm
Tout en essayant de rester concentré sur son pilotage malgré sa lassitude, Quatre sentait ses pensées dériver sans qu’il ne cherche vraiment à les retenir. Il lui était très agréable et reposant de laisser son esprit vagabonder de la sorte, au fil des évènements.
Il en était arrivé ainsi à se remémorer les raisons des
retrouvailles du soir-même.
A son grand étonnement, quelques jours auparavant, Quatre
avait reçu un coup de fil de Catherine qui les invitait tous les quatre à venir
passer Noël au cirque en compagnie de Trowa. Etant donné le peu d’estime que la
jeune femme éprouvait pour les ex-pilotes et son animosité visible, cette
invitation l’avait grandement surpris.
Mais après tout, Noël était peut-être la période la plus propice de l’année pour mettre de coté toutes les rancœurs passées, et recommencer de ce fait sur de nouvelles bases.
Après réflexion, il était reconnaissant à Catherine d’avoir
amorcé ce geste de réconciliation. Il savait à quel point Trowa tenait à celle
qu’il considérait comme sa sœur, et le fait qu’elle et ses meilleurs amis ne
s’appréciaient guère contrariait énormément le châtain. Quatre soupçonnait donc
la jeune femme d’avoir tenté d’effectuer ce rapprochement uniquement pour faire
plaisir à Trowa.
Mais après tout, chaque opportunité était bonne à saisir,
c’était avant tout le geste qui comptait. Lui aussi devait donc utiliser cette
occasion pour opérer ce rapprochement qui importait tellement à Trowa.
Il essayait déjà d’imaginer de quelle manière manifester sa
reconnaissance envers Catherine, quand ses idées commencèrent à se brouiller.
Perdu dans ses réflexions, Quatre ne s’était pas rendu
compte que ses symptômes s’étaient aggravés et que depuis quelques instants, il
avait de plus en plus de mal à réfléchir, et surtout beaucoup de difficultés à aligner des pensées
cohérentes. La fatigue, plus aiguë, se faisait maintenant ressentir
intensément, et il avait tout à la fois chaud et froid.
Son corps entier se mit soudain à le faire souffrir
cruellement. Aux courbatures provoquées par sa forte fièvre s’ajoutaient les
efforts qu’il faisait pour maintenir l’avion en vol depuis de longs moments.
Ses yeux notamment commençaient à le brûler, il devait les cligner fréquemment
pour les soulager, mais malheureusement, le répit était de faible durée. Il
éprouvait en outre une violente envie de dormir, et il avait l’horrible
impression que ses yeux se fermaient tout seuls.
- Il ne faut pas que je m’endorme, il ne le faut pas … murmura t-il en se frottant énergiquement les yeux d’une main, ce qui n’eut pas beaucoup d’effet.
Il décida alors d’essayer de faire un peu le vide dans ses pensées pour se concentrer uniquement sur son pilotage. Il était en effet dangereux d’encombrer son esprit de multiples réflexions inutiles en une telle situation.
Pourtant, malgré tous ses efforts, il avait de plus en plus
de mal à fixer son attention sur son pilotage. L’avion était maintenant
constamment malmené par les rafales de vent, et il avait énormément de
difficultés à maintenir l’appareil stable. Soudain, une rafale plus forte que
les autres fit faire une embardée à l’appareil qui sous la secousse, envoya la
petite peluche rouler par terre, sous un siège.
- Zut ! pesta Quatre en jetant un coup d’œil à l’endroit où l’ours était tombé. Le sol est boueux, la peluche va être toute sale, et je ne pourrai plus la Lui offrir dans ces conditions !
Tenant d’une main les commandes, il se pencha pour ramasser l’objet de l’autre.
Au moment précis où il effectuait ce mouvement, une
nouvelle rafale fut tellement forte qu’elle projeta brutalement l’avion sur le
côté. Quatre fut déséquilibré par la rudesse du choc, il en lâcha la direction
de surprise et se retrouva projeté violemment contre le tableau de bord, que sa
tête heurta fortement. Il en resta tout étourdi pendant quelques secondes.
Lorsqu’il reprit enfin ses esprits, il constata avec
horreur que l’avion commençait à piquer du nez, poussé par le vent qui
accélérait sa chute. Il tenta de redresser les commandes, mais il était déjà
trop tard, la vitesse de l’appareil était trop grande et la force du vent
empêchait toute manœuvre.
Quatre vit alors s’approcher avec horreur la sombre forêt
sous lui, qu’il parvenait à peine à distinguer au milieu des ténèbres, entre
les rafales de neige et le brouillard.
Et soudain, ce fut la collision, son avion percuta avec une violence inouïe la cime d’un arbre immense. Quatre perdit connaissance sous le choc, et l’appareil s’écrasa avec fracas, brisant sur son passage branches et arbres entiers, pour aller finalement s’immobiliser quelques centaines de mètres plus loin, dans un nuage de fumée et de neige.
Passer
Noël ensemble
Hoou
Noël
Ensemble
Hoou
Noël
Ensemble
- Trowa, dépêche-toi, le spectacle va bientôt
commencer !
L’intéressé, toujours perdu dans de profondes réflexions,
le front de nouveau appuyé contre la vitre, sursauta lorsque Catherine déboula
à toute allure dans sa loge, entièrement vêtue d’un costume rouge et blanc qui
la faisait ressembler à une sorte de Mère Noël survoltée.
Elle eut l’air légèrement surprise en constatant le sursaut
du jeune homme, puis elle se mit à rire. Ce n’était pas tous les jours qu’elle
parvenait à surprendre ainsi l’imperturbable clown, surtout dans un moment de
si intense réflexion personnelle.
- Eh bien, qu’est-ce que tu fabriquais ? J’ai
l’impression de t’avoir dérangé dans un moment de réflexion extrême, non ? lança t-elle, gentiment moqueuse.
Mais Trowa ne répondit rien. Il détestait être pris par surprise
de cette façon, surtout dans un moment de telle fragilité, ce que la jeune
femme venait malheureusement de faire. Il était tellement perdu dans ses
pensées, tellement vulnérable à cet instant-là qu’il ne l’avait même pas
entendue arriver. Et cela le rendait furieux.
En fait, pour être totalement exact, ce n’était pas à Cathy
qu’il en voulait le plus, mais plutôt à lui-même. Une telle marque de faiblesse
manifeste, une telle preuve de défaillance ne lui ressemblait absolument pas.
En temps de guerre, un tel instant d’inattention aurait pu lui coûter très
cher.
Mais Trowa secoua la tête. Ils n’étaient heureusement plus
en guerre, la paix était installée depuis des mois, et sa réaction n’avait plus
lieu d’être.
Mais il devait bien reconnaître qu’il avait du mal à
abandonner certains réflexes défensifs ou certaines pensées.
Constatant que le jeune homme ne répondait pas, et devant
son air plus que contrarié, Catherine compris qu’elle avait commis une
maladresse qui l’avait irrité.
D’ailleurs, son visage fermé le lui prouvait.
Elle eut une moue dubitative. Décidément, elle n’arriverait
jamais à le comprendre. Elle commençait à bien le connaître, mais certains de
ses comportements l’étonnaient encore. Ce qui semblait anodin chez certaines
personnes était étrange chez Trowa, sa réaction à l’instant même le lui
prouvait. Il avait l’air furieux, et elle ne savait pas vraiment pourquoi. Elle
lui avait fait peur, certes, elle l’avait surpris dans une situation qui le
mettait en défaut, mais il n’avait aucune raison d’afficher ce visage
hermétique.
Pourtant, elle se sentait peinée pour lui et commença à
s’excuser :
- Je suis désolée, Trowa, je ne voulais pas te faire peur
ni te contrarier, c’est juste que …
Elle ne put continuer, craignant de le vexer davantage par
des mots maladroits.
Il sursauta une nouvelle fois en entendant ses paroles,
comme s’il avait de nouveau oublié sa présence et qu’il la découvrait à
l’instant même devant lui.
Il dut la regarder d’une façon involontairement dure car
elle fronça les sourcils et son visage se figea.
- Ca va, inutile de me fixer comme ça. Je t’ai déjà dit que
j’étais désolée de t’avoir surpris ainsi, je ne l’ai vraiment pas fait exprès.
Alors pas la peine de faire cette tête. Si je te dérange vraiment, je m’en vais
…
Et elle tourna résolument les talons pour se diriger vers
la sortie.
Trowa cligna des yeux, abasourdi. Sans même avoir prononcé
un mot, seulement par son attitude singulière, il avait réussi à la froisser
alors que ce n’était pas du tout son intention.
Il soupira de nouveau, conscient qu’il lui restait encore
pas mal de chemin à faire pour accepter et comprendre les règles élémentaires
de sociabilité.
- Catherine, attends !
La jeune femme
interrompit son mouvement, un peu déconcertée. Elle espérait effectivement que
Trowa allait la rappeler pour s’excuser, c’était après tout ce que n’importe
qui aurait fait en temps normal, mais elle était quand même étonnée qu’il le
fasse vraiment.
- Cathy, je … Ce n’est pas après toi que je suis en colère,
c’est après moi. Je … je n’ai pas l’habitude d’être surpris dans un tel état de
vulnérabilité, et je me suis senti gêné. Je m’en veux de m’être montré aussi
faible et cela n’a rien à voir avec toi.
Catherine fut stupéfaite par un tel aveu. Que Trowa ait été
surpris en position de faiblesse, soit, cela était concevable. Mais qu’il avoue
ouvertement sa faute, c’était un exploit. Trowa Barton qui s’excusait, le fait
était assez rare pour être souligné.
Pourtant, il avait l’air tellement confus qu’elle le
rassura aussitôt avec un grand sourire :
- Non, c’est moi qui suis désolée, je sais que tu n’aimes
pas être dérangé, et je débarque comme une folle dans ta loge. J’aurais dû
réfléchir avant. Pardonne-moi !
La jeune femme avait déjà oublié sa mauvaise humeur
passagère. Elle n’arrivait jamais à en vouloir longtemps à Trowa. Elle savait
qu’il avait traversé des épreuves très dures, qu’il avait vécu une existence
totalement décalée, et il était compréhensible qu’il ait du mal à s’adapter à
une nouvelle vie. Il avait besoin de temps, cela était parfaitement concevable.
Elle devait donc lui en laisser un peu, et ne pas se montrer trop exigeante
avec lui pour le moment.
Et puis, surtout, elle était tellement contente de l’avoir
avec elle en cette nuit de Noël qu’elle était prête à tout lui pardonner !
Un moment de silence et de bien-être s’établit entre eux
après ce bref malentendu vite réparé.
Trowa se rappela soudain qu’il n’avait même pas remercié
Cathy pour avoir invité les ex-pilotes en cette soirée de réveillon. Il ne
savait pas trop comment faire, mais il jugea le moment opportun et se lança en
hésitant un peu :
- Au fait, je voulais te remercier … d’avoir invité mes
amis.
- Ce n’est rien, c’est tout naturel. Je sais à quel point
tu avais envie de les voir, et si je ne les avais pas conviés à la fête, tu
serais allé les rejoindre je ne sais où. Je préfère que vous vous réunissiez
tous ici, au moins, je peux vous surveiller plus facilement !
Elle avait dit ceci sous forme de boutade en tirant le bout
de la langue, mais Trowa savait parfaitement qu’elle ne plaisantait qu’à
moitié. Elle n’avait pas une confiance entière envers les autres pilotes, mais
elle ne voulait pas le montrer totalement pour ne pas lui faire plus de peine.
- Bon, c’est l’heure, il faut y aller ! lança Catherine
en entendant le signal qui annonçait l’imminence de la représentation.
- D’accord, je te suis, je finis juste de me préparer …
-Ok, à tout de
suite !
Elle s’éloigna de nouveau, et s’apprêta à franchir la porte
quand Trowa, mu par une impulsion soudaine, la rappela :
- Cathy ?
- Oui ? fit celle-ci en se retournant.
- Merci, répondit seulement Trowa sans s’expliquer
davantage.
Le sourire de Catherine s’agrandit de bonheur et elle
sortit en sautillant joyeusement.
Le remerciement de Trowa n’avait pas de raison
particulière, il concernait sa gratitude pour tout ce qu’elle avait fait pour
lui depuis son arrivée au cirque, sa présence continuelle à ses côtés, son
geste pour la soirée, enfin un peu tout ce que le jeune homme ressentait sans
oser l’exprimer ouvertement.
Au dehors, par la porte entrouverte, la musique battait son
plein et les derniers spectateurs se pressaient vers l’entrée du chapiteau. Il
était vraiment temps d’y aller.
Trowa soupira de nouveau. Il prit un bonnet sur une table, l’enfila rapidement et sortit à son tour.
A
la lumière du jour
Et
contre le silence
Qui
nous entoure
Laisser
faire la magie
Des
flocons de lumière
Quatre ouvrit les yeux très lentement, et
regarda avec étonnement tout autour de lui. Il lui fallut quelques longs instants
pour se souvenir de l’endroit où il se trouvait, et prendre conscience de
l’inconfort de la situation. Il n’aurait su dire pendant combien de temps il
était resté inconscient, mais autour de lui, dans l’habitacle défoncé de
l’appareil, l’obscurité était toujours aussi intense, à peine atténuée par les
lueurs de plusieurs ouvertures fumantes. Le froid et la neige s’engouffraient
par les multiples cassures provoquées par le choc dû à l’accident, rendant
l’atmosphère glaciale.
Quatre frissonna, ce qui éveilla brusquement une violente
douleur dans son bras gauche. Il essaya
de le bouger prudemment, mais la souffrance l’en empêcha.
- Je dois avoir le bras cassé … maugréa t-il entre ses
dents. Il ne manquait plus que ça !
De son
membre valide, il fit rapidement le tour des commandes de l’avion, mais aucune
ne répondit, pas plus que la radio. Seule la balise de détresse fonctionnait
encore à peu près correctement, et il l’enclencha.
Il fit ensuite rapidement le tour de la situation, qu’il
jugea plus que critique. L’avion était hors d’usage, ainsi que toutes les
installations. S’il restait ainsi, il risquait de mourir de froid à bord de
l’appareil éventré, excepté s’il parvenait à boucher toutes les ouvertures de
manière quelconque. Mais ce ne serait pas chose aisée avec son bras blessé. Les
secours, avertis par la balise de détresse, ou par une Chris affolée qui ne
manquerait pas de les prévenir en ne recevant pas son coup de fil, mettraient
sûrement plusieurs heures avant de le retrouver. S’ils y parvenaient.
Il n’avait donc plus qu’une solution, sortir chercher de
l’aide, en espérant qu’il ne se trouvait pas trop loin d’une habitation
quelconque. De toute façon, il n’avait pas le choix, s’il restait ainsi, il
finirait sûrement par mourir gelé, il devait donc tenter sa chance, ou du moins
essayer. Mais au dehors, la tempête faisait rage, il aurait du mal à trouver
son chemin dans ce lieu qu’il ne connaissait pas, au milieu de cette végétation
inhospitalière, qui plus est avec ce mauvais temps et dans le noir.
Quatre hésita longuement sur la conduite à tenir.
Sa raison lui dictait de rester dans l’avion. Il y serait
relativement à l’abri malgré les nombreuses ouvertures, il avait prévu de quoi
manger et des couvertures pour se couvrir chaudement.
Son cœur, lui, hurlait qu’il ne devait pour rien au monde
manquer cette soirée de Noël. Il voulait, il devait être avec ses amis ce soir.
Avec Lui.
Et finalement, son cœur l’emporta sur sa raison.
Quatre se mit à fouiller les restes de l’avion, à la
recherche d’un quelconque objet pouvant lui être utile. La tâche s’avéra ardue,
à cause de l’obscurité, mais surtout de la douleur qui paralysait son bras. Il
récupéra le chaud manteau épais qu’il avait pris la précaution d’emporter avec
lui, une paire de gants fourrés ainsi qu’un bonnet et une longue écharpe
polaire.
Après s’être débattu un bon moment avec le manteau qu’il
n’arrivait pas à enfiler du fait de son membre brisé, il glissa ensuite quelques barres de nourriture dans ses poches,
et se saisit d’une puissante lampe torche. Il ne savait pas où il se trouvait,
ni le chemin à parcourir, il devait donc prendre ses précautions pour se
préparer à faire une longue marche, mais cependant sans trop s’encombrer.
Il s’apprêta à sortir dans la nuit obscure, quand soudain,
il eut la sensation intense d’oublier quelque chose d’important. Il fit le tour
du cockpit avec sa lampe, vérifiant qu’il n’avait rien oublié de nécessaire,
quand son regard tomba sur la peluche qui se trouvait toujours sur le sol. Elle
paraissait très sale et boueuse d’après ce qu’il distinguait, mais à première
vue, elle semblait n’avoir pas trop souffert du choc. Il la ramassa et tenta de
la nettoyer un peu, puis il sourit joyeusement en constatant qu’elle n’avait
pas subi de dommages trop visibles, mis à part une petite déchirure sue le
pull-over.
Il hésita cependant un bon moment sur ce qu’il devait en
faire, la laisser ici ou l’emmener avec lui.
S’il l’emportait, elle risquait de le gêner, car même si
elle n’était pas très grosse, elle ne rentrait pas dans ses poches, et risquait
de l’encombrer plus qu’autre chose, d’autant plus qu’il n’avait qu’un bras
valide.
D’un autre coté, il répugnait à laisser derrière lui un
objet auquel il tenait tant, qui était si important à ses yeux.
Le blond décida finalement de l’emporter malgré tout.
Il tenta alors d’ouvrir la porte de l’appareil, mais
celle-ci s’était bloquée sous la violence du choc qui avait tordu la tôle, ce
qui l’obligea à casser une vitre déjà endommagée de l’appareil pour se glisser
dehors par la petite ouverture. Il fit bien attention à protéger son bras
meurtri, mais la douleur provoquée par l’effort et ses mouvements lui tira des
larmes. Il se laissa pourtant malgré tout glisser sur la carrosserie et
atterrit dans la neige profonde, dans laquelle il s’enfonça jusqu mi-mollet.
Autour de lui, l’obscurité était totale et la lampe ne lui
était pas d’une grande utilité. Du fait de l’épais brouillard qui l’entourait,
elle avait du mal à percer les ténèbres et ne dispensait autour de lui qu’un
faible halo de lumière pâle qui n’éclairait que vaguement et ne parvenait pas à
dissiper le flot des ténèbres.
De plus, malgré la présence tout autour de lui d’arbres qui lui
semblaient immenses, la neige glacée
s’engouffrait entre les troncs en rafales de vent brèves et violentes,
créant des couloirs d’air glacial qui le frigorifiaient.
Le petit Arabe leva les yeux au ciel, essayant de
distinguer le moindre rayon de lune ou une étoile au-dessus de sa tête, mais
les grands arbres et le mauvais temps empêchaient tout trait de lumière de
pénétrer plus avant ou de repérer quoi
que ce soit.
Ne sachant pas de quel côté s’orienter, il choisit de se diriger droit devant lui, et il commença à s’aventurer parmi les arbres.
Et
les regards remplis de soleil
Quand
les nuits se ressemblent
D’un
mot d’une prière
Faire
que nos mains se tendent
Noël
Noël
Ensemble
Passer
Noël ensemble
Noël
(chœurs)
Quatre marchait depuis un bon moment déjà, un temps qu’il
jugeait interminable, les minutes lui semblant être des heures entières.
Il ne savait pas où il allait, tout autour de lui était
sinistre. Il faisait une nuit noire, sombre et inquiétante. La forêt ne le
protégeait en rien, au contraire. Les arbres lui paraissaient tous identiques,
et ne lui offraient aucun point de repère. Ses empreintes étant immédiatement
effacées et il avait l’impression de tourner en rond . Il allait pourtant droit
devant lui, mais totalement à l’aveuglette, espérant que cela le mènerait
rapidement à une issue.
Mais il lui semblait au contraire qu’il s’enfonçait plus
avant dans la forêt, tant les arbres autour de lui étaient nombreux et denses.
Il commençait sérieusement à désespérer. Il avait beau
avancer sans relâche, il n’y avait autour de lui que des arbres, du vent et de
la neige. Il fut même tenté plusieurs fois de renoncer et de rebrousser chemin
pour retourner se réfugier dans l’avion où il serait au moins relativement à
l’abri à défaut d’être au chaud. Seule la pensée de Le retrouver à l’issue de
ce périple lui redonnait courage et le forçait à continuer son avancée. Il
avait froid, son bras le faisait atrocement souffrir, mais la perspective de la
soirée qui l’attendait suffisait à lui procurer la détermination qui lui
manquait. Il tremblait autant de froid de fièvre. Mais cela lui était égal, il
avait l’impression qu’il pouvait aller jusqu’au bout du monde pour Le
retrouver. Une fois au chaud dans Ses bras, cette histoire ne serait bientôt
plus qu’un mauvais souvenir à oublier bien vite.
Alors qu’il commençait à penser qu’il ne sortirait jamais de cet endroit lugubre, il déboucha soudainement sur un espace presque découvert. A quelques centaines de mètres en contrebas, se trouvait un petit village, tout paré de ses habits de fête.
C’était du moins ce que Quatre supposait, car même les plus petites villes se paraient de leurs habits de lumière pour fêter cette nuit si particulière.
Il pouvait déjà imaginer les rues agrémentées de nombreux décors multicolores, représentant des saynètes festives et joyeuses, les façades enrichies de bordures étincelantes, les arbres garnis de nœuds rouges et or, les vitrines des commerces décorées de petites scènes, gaies et accueillantes.
Il devinait la présence d’un sapin immense sur la place principale, dressé fièrement vers les cieux, tout illuminé.
Il lui semblait apercevoir le clocher de l’église, ceint d’une guirlande d’argent, se détachant sur le ciel obscur et brillant de mille feux, tel un phare rassurant.
Il ne pouvait voir tout cela cependant, la distance le séparant de cette vision de rêve était trop grande. C’était son imagination seule qui lui décrivait toutes ces merveilles à travers son désespoir.
Pourtant, il lui semblait que cette cité idéale était bien réelle. Ce village ressemblait dans son esprit à toutes ces villes magnifiquement parées qu’il avait eu l’occasion de visiter. Il ne doutait pas que celle-ci fut aussi belle que les autres, si ce n’est plus. Il ne pouvait en être autrement.
La perspective rassurante de trouver enfin du secours en ce
lieu féerique lui redonna confiance. Il
tenta d'évaluer la distance à vol d’oiseau qui le séparait du village,
mais à cause de la neige et du brouillard qui l’enveloppaient, il fut incapable
d’estimer précisément cette étendue vague. Pourtant, il décida de se raccrocher
à cet espoir, le seul qui lui restait.
- Il doit y avoir mille cinq cent mètres à peine d’ici au hameau, peut-être deux kilomètres. Cela ne me prendra pas énormément de temps pour y parvenir. Dès que je serrai arrivé là-bas, je pourrai Lui téléphoner pour Lui dire de ne pas s’inquiéter. Ensuite, je me débrouillerai pour trouver un moyen de rentrer.
Regonflé par cette
pensée réconfortante, perdu dans ses pensées optimistes, il se remit en route,
sans se rendre compte que la neige se mettait à tomber plus drue encore.
Noël
Ooh
ooh
Ensemble
Ensemble
Passer
Noël Ensemble
Trowa se dirigea directement vers une tenture qui avait été
installée dans un angle du chapiteau, et qui le cachait à la vue des
spectateurs. Il commença à escalader prestement l’échelle qui se situait derrière
le rideau. Arrivé tout en haut, il déboucha sur une petite plate-forme qui
dominait la piste, située à plusieurs mètres en contrebas. Devant lui, une
corde extrêmement fine mais solide traversait l’intégralité de la tente et
rejoignait une autre petite plate-forme fixée de l’autre côté. Au-dessus de sa
tête, au plafond, tout un jeu de lumières faisait apparaître un ciel bleu nuit,
tout illuminé d’une multitude de petites étoiles argentées.
Tout à coup, l’obscurité la plus totale se fit, et un projecteur
fut braqué sur Trowa. Toutes les têtes se levèrent à l’unisson et un silence
respectueux se fit.
Trowa quitta sa plate-forme et commença à avancer
minutieusement sur le fil. L’exercice n’avait rien de bien complexe en
lui-même, le jeune homme devait seulement marcher en équilibre sur la corde
raide tout en jonglant avec une dizaine de boules multicolores en verre servant
habituellement à décorer les sapins. C’était une idée de Catherine, qui
trouvait qu’en cette circonstance, ce genre d’accessoires était les bienvenus.
Pour corser un peu la difficulté du numéro, Trowa avait
tenu à évoluer sans harnais ni filet de protection, ce qui apportait un peu de
piquant à son évolution qu’il jugeait somme tout assez élémentaire. De plus,
les grosses bottes de cuir dont il était chaussé le gênaient beaucoup, il
manquait ainsi de précision pour poser ses pieds sur la corde, ce qui rendait
sa progression plus ardue mais aussi nettement plus intéressante.
Seulement, malgré sa simplicité toute relative, ce genre
d’activité demandait avant tout énormément d’application.
Et le problème était que Trowa n’était justement pas assez
concentré. Le retard de ses amis, mais surtout Son retard, commençait à
sérieusement l’inquiéter. Il ne pouvait empêcher de tourbillonner dans sa tête
des dizaines d’explications plausibles à cette absence que rien ne pouvait
justifier réellement, mais aucun motif ne le satisfaisait pleinement.
Sans trop savoir pourquoi, il se mit brusquement à
envisager le pire pour ses amis.
Déstabilisé, son pied glissa soudain de la corde, et il
tomba, lâchant les boules qui allèrent se briser sur le sol dans un bruit
cristallin.
L’assistance poussa un « oh ! » d’étonnement
et d’effroi, craignant à tout moment de voir chuter également le jongleur.
Mais celui-ci avait réussi de justesse à se rattraper d’une
main au cordage, et il se balançait au-dessus du vide, abasourdi.
C’était la première
fois qu’il commettait une erreur aussi grossière, qui aurait pu lui être
fatale. En temps normal, ce genre d’exercice ne lui posait aucun problème. Mais
aujourd’hui, son état émotionnel ne lui permettait guère de prendre autant de
risques, il aurait dû le savoir.
Un silence glacé s’était établit dans la salle, le public
retenait son souffle, attendant de voir comment le jeune homme allait pouvoir
se sortir de sa périlleuse situation.
Trowa reprit enfin conscience de tout ce qui l’entourait,
et il réalisa qu’il devait absolument terminer son numéro.
La main qui tenait fermement le fil s’ouvrit et il se
laissa tomber dans le vide, son corps tournant sur lui-même en une série
d’habiles acrobaties. Le jeune homme se réceptionna agilement sur le sol, au
centre même de la piste.
Le projecteur était à nouveau braqué sur lui, tout comme les regards anxieux de la foule.
Puis, d’une nouvelle pirouette, il s’éclipsa pour laisser place à la représentation, sous les applaudissements nourris et les cris enthousiastes d’un public rassuré.
Noël
Ensemble
Noël
Ensemble
(chœurs)
Noël
(chœurs)
Quatre avait de plus en plus de mal à avancer au fur et à
mesure qu’il descendait vers la ville, chacun de ses pas s’enfonçait dans la
neige fraîche et profonde.
Il ne distinguait plus à présent du village qu’un halo
lumineux, vague et flou. Ses contours étaient noyés sous le brouillard formé
par la neige qui tombait toujours sans discontinuer, et le vent, dans cet
espace à découvert, soufflait avec une violence accrue, qui freinait encore
davantage sa progression.
Soudain, le jeune homme épuisé par cette lutte
contre les éléments déchaînés trébucha et tomba brutalement. La lampe torche
qu’il tenait roula un peu plus loin en s’éteignant tandis qu’inconsciemment, il
serrait précieusement contre lui la petite peluche pour ne pas l’égarer.
Le petit blond mit quelques longues secondes à recouvrer
ses esprits, un peu étourdi par sa chute. Il en profita pour se reposer un
moment, tentant de reprendre ainsi un peu de forces.
Il se hasarda ensuite à se relever lentement, mais il eut
énormément de mal à accomplir son geste, sa main valide ne trouvait aucun
soutien sur lequel prendre appui et son bras blessé lui procurait une
souffrance atroce.
Il effectua en vain plusieurs tentatives
exténuantes mais il parvint enfin à se redresser en pestant contre sa
faiblesse.
Cependant, lorsqu’il regarda autour de lui pour essayer de
se situer, le brouillard était devenu si opaque qu’il ne distinguait même plus
le village.
Il sentit une intense bouffée de panique
l’envahir. Sans ce repère lumineux qui le guidait depuis un long moment, il
savait qu’il ne parviendrait jamais à retrouver son chemin.
Pourtant, il s’efforça aussitôt de se
maîtriser, conscient qu’il ne servait à rien de s’effrayer ainsi.
- Inutile de paniquer. Si je perds mon calme, cela ne fera
qu’aggraver la situation. Il faut que je me ressaisisse …
Il entreprit alors de regarder méthodiquement
tout autour de lui, pour tenter de déceler une lueur, un indice quelconque qui lui permettrait de
s’orienter.
Mais cette opération et l’effort qu’elle réclamait
s’avéraient très pénibles pour lui. Il lui semblait que ses yeux le brûlaient
encore davantage, il avait du mal à les maintenir ouverts. Pour les apaiser un
peu, il saisit une pleine poignée de neige qu’il appliqua avec délices sur ses
paupières douloureuses. Il ressentit immédiatement une sensation intense de
soulagement, d’apaisement.
Il rouvrit ensuite prudemment les yeux.
Sur sa droite, il pouvait de nouveau apercevoir les
lumières du village.
Il réalisa alors que plus encore que la neige maintenant
tourbillonnante autour de lui, c’était la fièvre qui troublait ainsi sa vision.
Mais au lieu de le rassurer, cette constatation l’inquiéta.
- Il faut que je me
dépêche, avant que la fièvre ne m’empêche de distinguer quoi que ce soit …
Il décida d’abandonner sa lampe torche, qui ne lui servait
décidément pas à grand chose en cette situation, et qui le gênait plutôt par
son encombrement et son poids non négligeable dans l’état d’extrême fatigue du
blond.
Mais il ne put se résoudre à laisser la peluche. Elle
représentait trop pour lui. Elle ne lui était bien sûr d’aucune utilité
matérielle, mais plutôt morale, il lui semblait qu’elle lui donnait du courage.
Tant qu’il tenait cette peluche dans sa main, il se souvenait de la raison pour
laquelle il devait absolument survivre. Elle était une sorte de garantie. S’il
l’abandonnait, c’était comme s’il abandonnait tout espoir de s’en sortir.
Et il se remit en marche, encore plus péniblement qu’auparavant, la petite peluche serrée précieusement contre son cœur.
Noël
Ensemble
Et
se promettre un rendez-vous
Chaque
année en décembre
On
sait pourquoi on court
Quand
on cherche l’amour
Trowa se tenait en coulisses, prêt à entrer en scène dès
que ce serait à nouveau son tour.
Sur la piste se succédaient clowns, acrobates, jongleurs et
magiciens, tous vêtus de costumes magnifiques qui resplendissaient sous les
feux des projecteurs … La représentation était féerique, magique, tout avait
été fait pour le plaisir des yeux, des oreilles et de tous les sens réunis.
Rien n’avait été laissé au hasard et tout était parfait, comme pour un chef
d’œuvre.
Trowa ne portait cependant qu’un œil distrait à ce
spectacle. Il le connaissait par cœur pour l’avoir vu répéter des dizaines de
fois, mais surtout, il se sentait devenir de plus en plus inquiet. Il n’était
toujours pas là, et Son retard commençait à être angoissant.
Le châtain jeta un nouveau coup d’œil à travers une ouverture, et il aperçut Wufei qui était venu s’asseoir aux cotés de Heero. Même le chinois, peut-être le moins enthousiaste d’eux cinq, était là. Cela rendait Son retard encore plus alarmant. Il espérait de tout son cœur qu’Il n’était pas pris dans la tempête, et qu’Il était seulement retenu par son travail comme à son habitude.
Trowa avait l’impression que sa tête allait exploser à force de ressasser toutes ces pensées négatives et sinistres, et il chercha comment se changer un peu les idées.
Il lui revint alors à l’esprit la soirée du réveillon précédent, le premier qu’ils aient passé entre eux. Duo avait réussi à les convaincre de la nécessité de fêter Noël tous ensemble, en famille ou entre amis. Les quatre jeunes gens avaient longuement réfléchi au discours prononcé par l’Américain, et ils avaient adopté un compromis, résumé ainsi par Heero.
¤ Flash-back [3]
¤
- Nous avons bien réfléchi
après ton départ et nous en sommes arrivés à une conclusion. Ce n’est pas parce
qu’aucun de nous ne croit à Noël que nous avons le droit de t’enlever tes
croyances. En ces temps de guerre, je pense qu’il est important de s’appuyer
sur des rêves, des espérances. Toi, tu as la chance d’avoir un espoir auquel te
raccrocher. Ne perds jamais cette foi ! Et laisse nous la partager avec
toi. Pour nous qui vivons au milieu des combats, Noël représente avant tout un
espoir de paix. Même et surtout si cette trêve ne dure que quelques heures,
nous pouvons quand même essayer de retrouver une âme pure d’enfant. Demain,
tout reprendra comme avant, mais nous aurons dans le cœur cet espoir d’une ère
nouvelle, où tout pourra recommencer. Alors, finalement, peu importent sa
religion et ses croyances, le principal, c’est de croire à la magie de Noël.
¤ Fin du flash-back ¤
Cette soirée s’était avérée pour eux cinq être réellement un nouveau point de départ dans leur existence de pilotes auparavant obnubilés par la guerre. Forcés précédemment de cohabiter, ils avaient commencé à envisager cette corvée sous un nouveau jour. Un rapprochement sensible s’était établi petit à petit entre eux, et ils avaient pu débuter enfin de véritables relations.
Cette fête
avait représenté pour eux la promesse d’une nouvelle vie, un peu comme une
nouvelle naissance. C’était ce qui les avait décidés à se réunir chaque année
pour Noël, peut-être seulement par superstition, mais aussi par respect pour
cette nuit qui avait tant représenté pour eux tous.
Quand
on cherche l’amour
Noël
Noël
Noël
(chœurs)
Ensemble
Mais son corps
meurtri refusait obstinément de lui obéir.
Ensemble
Ensemble
Passer
Noël ensemble
Noël
ensemble
Noël
Et ce fut enfin à lui. Son numéro devait être le clou du
spectacle, le point final de la représentation, et se devait d’être parfait.
Sur la piste, deux clowns déguisés en farfadets farceurs s’en donnaient à cœur joie pour le plus grand plaisir de l’assistance conquise.
L’ensemble du groupe le rejoignit aussitôt au centre de la piste, et se mit à saluer inlassablement les spectateurs qui applaudissaient à tout rompre, sous l’averse de flocons de neige virevoltant magiquement depuis la voûte étoilée.
(chœurs)
Ensemble
Noël
ensemble (chœurs)
Passer
Noël ensemble
Noël
ensemble (chœurs)
Le petit blond resta ainsi de longues minutes, prostré sur le sol, le visage collé à la neige glacée qui l’empêchait de respirer, partagé entre l’étrange soulagement qu’il ressentait et sa conscience aiguë du danger dans lequel il se trouvait.
Mais il ne pouvait
bouger, son corps frigorifié ne lui permettait plus aucun mouvement, et il
sombra dans une semi-inconscience.
- Tu dois te relever ! Tu ne dois pas mourir ici, tu
ne dois pas mourir maintenant ! Tu dois vivre ! Pour moi … Pour nous
…
Quatre sursauta en sortant brusquement de sa torpeur.
C’était Sa voix. Il lui semblait L’entendre lui ordonnant de se redresser et de partir, de venir Le rejoindre pour leur première véritable nuit ensemble, pour leur avenir.
Il l’exhortait tout simplement à vivre.
L’Arabe essaya d’ouvrir les yeux pour découvrir d’où
provenait cette voix qu’il savait le fruit de son imagination torturée, mais
qui lui semblait pourtant si réelle.
A travers ses paupières douloureusement entrouvertes, Il Le
vit alors devant lui, souriant, transperçant l’inquiétante obscurité, illuminé
d’une lueur étincelante, tel un ange magnifique descendu du ciel. Il lui
tendait la main, comme pour le tirer vers Lui, l’attirer tout contre Lui.
Quatre tendit la main
droite pour saisir la Sienne, cette main tendue qui lui offrait une ultime
chance de salut.
Mais, affaibli par la fièvre, le froid et la lassitude, il
lâcha la peluche qu’il avait tenue serrée contre lui. L’objet tomba à quelques
centimètres de son bras, avec un petit bruit sourd amorti par l’épaisseur du
tapis de neige.
Il sembla pourtant à Quatre que ce mouvement de chute avait
suffit à estomper la vision qui se tenait quelques secondes auparavant devant
lui, à faire disparaître l’espoir ténu qui l’habitait auparavant.
Il tendit la main plus avant pour tenter de retenir Son
image qui s’éloignait inexorablement, mais son geste s’interrompit, brisé par
la fatigue, et sa main retomba, inerte, à quelques centimètres de la peluche.
Noël
Noël
(chœurs)
Passer
Noël ensemble
Noël
ensemble
Une fois la représentation terminée et tous les spectateurs partis, Trowa rejoignit les deux asiatiques qui l’attendaient dehors, et ils se dirigèrent ensemble vers la loge du français.
Trowa commença à défaire rapidement son costume, pressé de
se débarrasser de ces habits dans lesquels il ne se sentait pas vraiment à
l’aise.
Il s’apprêtait à ôter aussi son bonnet quand quelque chose,
une superstition brutale, l’arrêta. Il avait brusquement l’impression
qu'enlever ce bonnet provoquerait un malheur. Cet objet avait beaucoup de
signification en période de fête, et le retirer signifierait abandonner cet
esprit de Noël qui se trouvait partout en cette soirée de réveillon.
Il avait également l’impression diffuse que tant qu’il
garderait ce bonnet sur la tête, ce serait une assurance de Le voir arriver.
L’enlever annoncerait la fin de cet espoir.
Trowa s’en voulut de devenir si superstitieux, mais il garda néanmoins l’objet sur la tête. Les deux autres le regardèrent un peu surpris, mais ils semblèrent comprendre son geste, ou du moins ils ne firent aucune remarque.
Au dehors, les membres du cirque commençaient à dresser
plusieurs tables immenses pour contenir toute la troupe et leurs nombreux
invités. Ils avaient prévu un impressionnant repas commun, convivial et festif,
et s’affairaient pour tout préparer, malgré la fraîcheur ambiante. Catherine
circulait au milieu des convives, riant et donnant des directives pour que tout
soit parfait.
Mais aucun des trois ne se sentait d’humeur à s’unir à la fête. Même s’ils ne le montraient pas ouvertement, ils devenaient de plus en plus inquiets. Les autres auraient dû arriver depuis longtemps.
- Vous venez vous joindre à nous ? questionna Catherine en passant la tête par la porte
entrouverte.
Seul un silence glacial lui répondit. Décidément, ils
n’étaient vraiment pas très bavards, surtout quand ils se retrouvaient
ensemble. La soirée promettait d’être follement amusante si la jeune femme les
laissait faire.
Tous les trois paraissaient très abattus, ou du moins Trowa
et Heero, Wufei ne montrant guère d’émotions comme à son habitude.
Catherine soupçonna vite quelle en était la raison et elle
tenta de les rassurer un peu :
- Je suis sûre qu’ils ne vont pas tarder. Ils ont tout
simplement dû être retardés par la tempête de neige et ils vont bientôt
arriver. Et puis vous les connaissez ! Quatre a tellement de travail, il
est tellement occupé avec sa société qu’il est difficile de l’en déloger. Duo
est comme lui, et si Hilde n’était pas là pour le secouer un peu, il passerait
lui aussi sa vie à travailler. Hilde m’a promis qu’elle traînerait de force Duo
dans la navette s’il le fallait, c’est d’ailleurs un peu pour ça à l’origine
qu’elle a décidé de l’accompagner. Donc ne vous en faites pas, ils vont bientôt
venir …
Duo et Hilde avaient récemment monté une petite affaire de recyclage de matériaux sur L2, qui ne leur laissait pas un instant de répit, mais qu’ils rechignaient à quitter même pour un bref laps de temps. Mais quand Duo avait prévenu Hilde de sa venue sur Terre pour les fêtes de Noël, la jeune fille avait sauté de joie. Elle espérait bien profiter de son séjour, ce qui n’était pas donné à tout le monde. Tous les deux étaient inséparables, ils vivaient et travaillaient ensemble, et ne se quittaient pratiquement jamais. Les autres appréciaient la jeune fille et ils étaient contents de la voir, même si elle était un peu une intruse dans leurs retrouvailles.
Aucun des trois pourtant ne sembla convaincu par le discours de Catherine qu’elle voulait réconfortant.
Au contraire.
Duo et Hilde d’un côté, et Quatre de l’autre, venaient chacun d’une région opposée, la tempête de neige ne pouvait pas les avoir bloqués tous les trois en même temps et dans les mêmes circonstances.
Il se passait donc quelque chose d’anormal, sinon ils auraient eu de leurs nouvelles.
Seul, en retrait, se tenait Wufei que les autres semblaient
avoir oublié. Le Chinois se sentait isolé,
un peu jaloux de voir ces deux couples réunis alors que lui-même était
encore seul.
Il leva les yeux vers le ciel, souhaitant de tout son cœur voir enfin apparaître à son tour la seule personne qui manquait encore.
(chœurs)
Noël
… Noël (chœurs) … Ensemble
Passer
Noël ensemble
Noël
ensemble
Le
lendemain matin, à l’aube, une patrouille de secours retrouva, à quelques
centaines de mètres à peine du village, un petit corps irrémédiablement gelé, à
demi recouvert par la neige tombée en abondance durant la nuit.
A quelques centimètres de sa main droite, un sauveteur
intrigué remarqua un petit monticule d’où émergeait seulement un petit morceau
de ce qui semblait être une écharpe en laine rouge. Il se saisit de l’objet et
découvrit avec étonnement sous le faisceau de sa lampe torche une petite
peluche de Noël, mouillée, sale et abîmée.
Pourtant, sur sa poitrine, brodé sur le petit pull-over
déchiré, se détachait, intact, un « W » étincelant …
Noël
ensemble (parlé)
Noël
ensemble (parlé)