Titre : Il faut que tu t’arrêtes

Auteur : Dùlin (gundamw_dulin@yahoo.fr)

Couple : 1x4 (Heero Yuy/Quatre Raberba Winner)

Fandom : Gundam Wing.

Thème : #9 – course folle (dash)

Rating : PG-13

Warnings : Canon-ness, post Endless Waltz, angst, Quatre POV

Disclaimer : Ces délicieux garçons appartiennent à Bandai et Sunrise. Qui ne sont malheureusement pas moi. La chanson citée (dont est tirée le titre original en anglais) est The Long Day Is Over de Norah Jones. Qui n’est pas moi non plus, même si j’en rêve la nuit.

 

****

 

Il faut que tu t’arrêtes

 

 

Un autre jour qui passe sans que je puisse le retenir, dans un brouillard de couleurs, d’odeurs, de bruits.

 

Je dois aller plus vite, toujours plus vite. Je ne peux pas m’arrêter, jamais, il n’y a pas le temps. Je dois faire tant de choses, signer tant de papiers, répondre à tant de coups de téléphone. Toujours plus vite.

 

J’ai su que je serais piégé au moment même où j’ai accepté de revenir et de prendre ma place d’héritier de la famille Winner à la demande de mes sœurs. J’ai su que la charge de travail serait énorme, que je devrais abandonner toute prétention à une quelconque vie privée. J’ai pensé que j’étais prêt. Je n’étais absolument pas prêt, et je n’en avais pas la moindre idée.

 

Plus vite, toujours plus vite. Pas le temps de m’arrêter. Je suis toujours en mouvement, toujours en train de faire quelque chose. Je vais de réunion en réunion, je serre des mains, j’offre des sourires factices, je fais des promesses, j’utilise le pouvoir que me donne mon argent pour essayer d’améliorer les choses, même si je sais que le profit est la seule chose qui intéresse mes actionnaires.

 

J’ai l’impression que si je m’arrête même une seconde, quelque chose de terrible va arriver. Je ne sais pas quoi, mais c’est comme une ombre qui rôde derrière moi, qui attend que je trébuche et que je tombe. Si j’ai un seul mouvement d’hésitation sur le chemin, elle va me tomber dessus et me dévorer tout entier.

 

Bien sûr, je sais que l’une des raisons pour laquelle je me tue au travail est la culpabilité. Mais qui à ma place ne se sentirait pas coupable ? Qui n’essaierait pas d’expier ses fautes ? De tous mes camarades pilotes, je suis le seul qui a effectivement détruit l’une de ces colonies que j’avais juré de protéger. Enfin, on peut dire que Zechs a presque détruit la Terre, et le coup qu’il a fait tirer aura des conséquences sur l’environnement pour les siècles à venir, même s’il a touché une zone désertée.

 

Cette nuit, comme toutes les nuits, il est presque minuit comme j’arrive au loft en terrasse que je suis censé appeler chez moi. Je passe rarement plus de quatre heures d’affilée ici, et la plupart de ces heures sont vouées à un sommeil agité. J’essaie même de résoudre des problèmes, vrais ou imaginaires, dans mon sommeil. Quand je suis en voyage sur une autre colonie ou sur Terre, je peux passer plus d’un mois sans revenir ici. Je n’ai rien choisi, ni les meubles, ni la couleur des murs. Je n’ai jamais cuisiné dans la cuisine parce qu’il faut toujours me rappeler que je dois manger quelque chose. Je n’ai jamais allumé la télé à écran plat dernier cri. Les deux seules pièces que j’utilise sont la chambre trop grande avec son lit trop grand, et la salle de bains trop grande avec sa cabine de douche trop grande et la baignoire qui n’a jamais servi.

 

Je tâtonne dans ma poche pour trouver ma clé électronique quand je remarque quelque chose de bizarre. La porte est entrouverte. Quelqu’un est entré pendant que je n’étais pas là. Immédiatement, je lâche ma valise et cherche une arme que je ne porte plus. Je pousse la porte, très doucement, l’adrénaline court dans mes veines. A cet instant, dans mon appartement sombre, alors que je me demande qui a osé entrer par effraction dans l’intimité de ce qui reste un sanctuaire même si j’y passe très peu de temps, je me sens plus vivant, plus alerte. Un peu comme quand je pilotais Sandrock. J’ai l’impression de pouvoir sentir chaque molécule d’air autour de moi. Il me semble que je peux entendre le moindre bruit. Et surtout, je suis en colère contre la personne qui s’est introduite chez moi.

 

Je ne peux même pas me souvenir de la dernière fois où j’ai vraiment été en colère. Mon sang coule dans mes veines, plus vite. Mon cœur bat plus vite également, l’excitation et la colère se mélangent. J’explore mon appartement en silence, j’ouvre les portes de pièces où je ne vais jamais et j’en parcours chaque centimètre carré pour voir si quelque chose a été déplacé. Je ne m’en apercevrais même pas si c’était le cas, mais j’essaie tout de même.

 

Je trouve l’intrus dans ma chambre. Il ne se cache même pas. Il est debout près de la porte-fenêtre, une main contre la vitre, il regarde dehors. Et il a jeté un sac au milieu de mon lit.

 

Je l’aurais reconnu n’importe où.

 

«Heero ? Qu’est-ce que tu fais ici ?»

 

Il se retourne, et je ne peux pas voir l’expression de son visage dans le noir. Je m’approche. Je suis un peu incohérent et je le sais, mais je suis tellement surpris de le voir ici.

 

«Non pas que tu ne sois pas le bienvenu, mais pourquoi ne m’as-tu pas prévenu ? J’aurais pu faire en sorte d’être là à ton arrivée et …»

 

En deux enjambées, il est en face de moi et un doigt sur mes lèvres me réduit au silence. Je le regarde fixement, impuissant. Il est un peu plus grand que moi, maintenant. C’est étrange, je ne me souviens pas qu’il était si grand la dernière fois que nous nous sommes vus.

 

Mais en fait, je ne pourrais pas vous dire quand exactement nous nous sommes vus pour la dernière fois. Tout va si vite autour de moi. Certains jours je me réveille et je me rends compte que des mois ont passé, et je suis toujours au même endroit, quelle que soit la vitesse à laquelle je cours.

 

Il me serre contre lui maintenant, ses bras autour de moi me retiennent où je suis et me forcent à rester immobile. Et j’ai peur. J’ai peur de ne pas bouger. Peur qu’on me force à rester à cet endroit où je veux rester et d’où je veux m’échapper en même temps.

 

«Duo m’a appelé.», murmure-t-il soudain. «Il était très inquiet pour toi. Il a dit que tu travaillais trop dur et que tu ne l’avais pas appelé depuis des mois.»

 

Il me regarde, solennel.

«Je suis désolé de ne pas être venu plus tôt.»

 

Je veux lui dire que ce n’est pas de sa faute, c’est de la mienne, je me suis fait ça tout seul. Mais je ne peux pas. Parce qu’au fond, j’ai attendu que quelqu’un arrête ma course folle, qu’on me fasse trébucher et tomber, qu’on m’abatte et qu’on me laisse reposer en paix. Parce que je brûle, je me consume.

 

«Je suis là, maintenant.» dit-il. Il me tient toujours contre lui.

 

Et je suis là dans ses bras, et je ne bouge pas. Je suis parfaitement immobile. J’ai tellement peur. Je vais tomber, je le sais. Je peux même sentir le sol céder sous mes pieds, ou peut-être que mes jambes ne peuvent plus me porter. Mais il y a des bras forts autours de moi, et ils m’aident à me tenir debout. Des lèvres douces trouvent ma joue et essuient dans un baiser la larme de soulagement qui m’a échappé, sans que je m’en aperçoive.

 

«Il est l’heure de dormir, Quatre. Tu as besoin de repos.»

 

****

 

Feeling tired

By the fire

The long day is over

 

The wind is gone

Asleep at dawn

The embers burn on

 

With no reprise

The sun will rise

The long day is over

 

 

OWARI